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L’empire et la restauration ne donnèrent point cependant un bien vif essor aux postes; j’en trouve la preuve en comparant le nombre des bureaux, qui en 1791 était de 1,419 et en 1829 n’était encore que de 1,799. Une augmentation de 380 bureaux dans l’espace de trente-huit ans est significative, et indique une médiocre sollicitude. Cependant il ne faut point oublier que c’est le gouvernement de Charles X qui institua l’admirable et démocratique service des facteurs ruraux. Dans la discussion qui eut lieu à ce sujet à la chambre des députés le 13 avril 1829, le baron de Villeneuve apprend à la France étonnée que « 35,587 communes sont dépourvues de relations directes avec la poste. » Il fallait alors se rendre au chef-lieu de canton, souvent même au chef-lieu d’arrondissement, pour retirer ses lettres. Cet usage déplorable n’est pas encore tombé en désuétude dans la libérale Angleterre, qui nous envie notre excellente organisation du factage rural. Du reste, avant la révolution de juillet, et même dans les villes, le service était médiocre et n’avait pu se débarrasser d’un certain esprit de privilège qui travaillait encore les administrations les meilleures; les lettres n’étaient rendues à domicile que dans les villes dont la population dépassait 4,000 habitans, et le facteur exigeait pour ce service spécial une surtaxe arbitraire de cinq centimes. 1830 fît disparaître cet abus, qui existait encore, il y a trois ans, dans une grande partie de l’Allemagne.

Par notre armée de facteurs, nous sommes supérieurs aux agens des postes anglaises; mais sous le rapport de l’uniformité des taxes l’Angleterre nous a donné un excellent exemple que nous avons été bien lents à suivre. Le 10 janvier 1840, elle inaugure sa réforme, que nous tentons vainement d’imiter en 1845. À cette époque, la France postale était divisée en plusieurs zones, qui toutes avaient un tarif particulier. Dans la séance du 7 février 1845, il fut démontré à la chambre des députés que la zone la plus rapprochée, taxée à 20 centimes, produisait 5,300,000 francs, et que la plus éloignée, taxée à 1 franc 20 centimes, rapportait 90,000 francs. Une telle différence, si concluante cependant en faveur du projet de réforme, ne put entraîner la majorité; la chambre divisa ses voix en deux parts exactement égales, 170 contre 170; la loi fut rejetée. Elle fut reprise sous la république, et dans la séance du 24 août 1848 M. Goudchaux, ministre des finances, fit adopter la réforme postale malgré la très vive opposition du citoyen Des Longrais, qui n’entendait à rien et voulait imperturbablement rester fidèle aux vieilles zones et aux anciens tarifs. La loi fui votée à une grande majorité; elle fit une révolution réelle dans le service des postes, car, par l’abaissement de la taxe, elle amena dans les correspondances une augmentation extraordinaire, et par la création des timbres-poste,