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tisme, l’autre avec celle des faits, qui est encore plus concluante : il en faut prendre son parti, l’Italie ne naît pas, elle renaît à la vie politique. Ici commenceront les dissemblances. Avec M. Giudici, vous serez porté à croire que l’Italie du XIIe et du XIIIe siècle tendait déjà vers l’unité; mais l’analyse patiente des faits par M. Trollope vous prouvera que dans cette même Italie des temps reculés il n’existait rien qui ressemblât à l’unité. Le rapprochement des gibelins et des guelfes avec les tories et les whigs par M. Trollope vous édifiera sur la valeur de l’assimilation de ces vieux partis italiens avec les néo-gibelins et les néo-guelfes de notre temps par M. Giudici. Après avoir suivi dans celui-ci le laborieux développement des communes italiennes, vous reconnaîtrez qu’il était bien difficile que l’Italie, contrariée par le pouvoir temporel de l’église, parvînt à fonder son unité nationale; mais après avoir lu M. Trollope, qui n’est rien moins qu’un apologiste des papes, vous serez convaincu que le pouvoir temporel n’était ni la cause unique, ni même la cause principale des divisions infinies de l’Italie. Vous accorderez à l’auteur italien que jamais peuple n’a dû lutter contre un tel concours de circonstances fatales; mais vous serez obligé de confesser avec l’auteur anglais que jamais nation ne s’est préparé tant de malheurs par le mauvais usage qu’elle a fait de sa liberté. Ainsi, grâce à la comparaison sur un même sujet d’un écrivain national qui reproduit les tendances dominantes de son pays et d’un étranger devenu citoyen par ses longues études, sans l’être par l’assujettissement aux préjugés nationaux, l’histoire se corrige elle-même, et au nom du passé donne au présent d’utiles leçons. L’occasion de ce rapprochement était aussi rare que l’opportunité de ces leçons était manifeste; nous avons voulu en profiter.


LOUIS ÉTIENNE.