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plus ou moins heureux suivant que le politique a obéi à la vérité ou au préjugé, au bon sens ou à la mode.

M. Giudici ouvre aux recherches un champ nouveau; grâce à lui, trois ou quatre fils conducteurs sont tendus dans le labyrinthe du moyen âge italien. Les communes prennent dans son livre une forme plus nette et comme une figure plus vivante que dans celui de Sismondi. On pénètre jusqu’à un certain point dans les mystères de leurs statuti ou constitutions multiples. Florence, négligée dans ses obscurs commencemens, occupe la place la plus considérable dans le second volume et tout le troisième, qui se compose de documens. Parmi ces derniers, on peut lire avec grand profit les ordinamenti della giustizia et les règlemens de l’arte di calimala. Ces ordinamenti ou ordonnances, créés par Giano della Bella, instituèrent ce que les Florentins appelaient il seconda popolo, le second peuple ou la forme définitive de la démocratie florentine[1]. Jamais il n’y en eut au monde d’aussi jalouse : c’est en vertu de ces ordinamenti que les nobles, c’est-à-dire ceux qui étaient d’extraction féodale et qui vivaient du revenu de leurs terres, furent exclus de toute fonction publique. Pareils à ces Romains du patriciat qui dépouillaient la robe prétexte pour devenir tribuns du peuple, les nobles qui ne voulaient pas être victimes d’une sorte d’ostracisme à l’intérieur devaient se faire inscrire sur le registre de l’un des arts ou associations des métiers de la ville. Après ce que nous avons dit de l’éclosion toute féodale et toute gothique de la liberté florentine, ces règlemens exclusifs ne doivent pas étonner. M. Giudici mérite des remercîmens pour avoir publié cette constitution démocratique du XIIIe siècle. Quant aux règlemens de l’art de calimala ou de la tonture des étoffes de laine, qui était la société la plus nombreuse et la plus puissante de Florence, les historiens de l’économie politique y trouveront une organisation industrielle dont les corps de métiers établis ailleurs par privilèges royaux ne peuvent donner l’idée.

Le titre de l’ouvrage de M. Giudici promet une histoire détaillée des communes italiennes, et en effet il tient une partie de ses promesses. C’est la partie durable de l’ouvrage; mais l’auteur n’a pas évité recueil presque inévitable du sujet, l’ensemble du tableau est difficile à saisir. Il faut à chaque instant des transitions, et elles sont vagues ou pénibles. Il faut passer périodiquement de Venise à

  1. On appelait primo popolo la première organisation démocratique établie en 1249 à la suite d’une révolte contre le parti gibelin, qui était resté maître de Florence grâce à l’appui de Frédéric II. Le secondo popolo ou seconde démocratie fut organisé en 1282. Les chefs de cette démocratie fondèrent une aristocratie nouvelle qui reçut le nom de popolani grassi, ou riches non issus de sang noble.