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lin, mais impérial, non anti-papal, mais anti-théocratique. Je croirais faire injure au lecteur, si je m’arrêtais à montrer la différence de ces dénominations[1]. »


II.

Comme M. Giudici, M. Adolphus Trollope a trouvé des préjugés établis dans son pays sur le sujet qu’il abordait. Ce n’était pas une division en deux camps entre lesquels il y eût nécessairement à opter. L’histoire de Florence n’est pas pour lui un intérêt national ni une source de passions politiques; mais il avait à combattre des idées préconçues, des jugemens qui avaient acquis force de loi. Pas un historien, pas un voyageur peut-être dans toute l’Europe qui n’eût depuis trois siècles parlé de la Florence des Médicis avec l’optimisme de la satisfaction la plus entière. En un mot, il y avait, il y a peut-être encore aujourd’hui une opinion régnante sur cette Florence qui alluma la première le flambeau de la civilisation moderne. Une ville d’art et de littérature, une nation de peintres et de poètes qui n’était jamais parvenue à se donner un gouvernement, jusqu’à ce que, lassée d’émeutes sans cause et de factions sans idées, elle se fût endormie à l’abri du pouvoir absolu, telle est l’image qu’on se faisait de Florence. Il est vrai que Sismondi, avec ses récits moins italiens que classiques, évoquait l’esprit républicain qui avait animé cet énergique petit peuple; mais on prenait ces élans de patriotisme pour des imitations passagères de l’antiquité, pour des fièvres politiques à la manière de Cola Rienzi. On s’en tenait à la Florence de William Roscoe, c’est-à-dire à cette nation d’artistes et de marchands qui, durant des siècles, avait travaillé, souffert, amassé des trésors de richesses, d’art et de poésie, tout cela pour servir à l’éducation et aux joies intellectuelles du dilettantisme européen. Il était doux pour les lords anglais, pour les banquiers de toutes les nations, que ce petit état leur eût préparé, même au prix de tant de déchiremens et de sang, des plaisirs si distingués. Roscoe était un banquier très riche de Liverpool. Tout en faisant sa fortune, il rassemblait autour de lui les livres, les documens, les tableaux; il écrivait l’histoire de la renaissance des arts, — esprit honnête d’ailleurs, âme généreuse, comme il l’a prouvé par ses votes au parlement, mais un de ces Anglais (il y en a toujours) que la vie politique ennuie et qui aspirent comme Dioclétien à planter leurs laitues dans une résidence princière. Ga-

  1. Scritti varj, Firenze 1863, p. 204.