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aux communes et aux princes qui n’ont pas cherché leur abri sous le pouvoir pontifical, comme si le rôle de ce pouvoir avait pu, avait dû être toujours politique, toujours constant, toujours italien ! Un mot peut caractériser toute la doctrine des néo-guelfes, ils ont essayé de mettre les argumens du comte de Maistre au service des idées libérales ; mais les événemens leur ont donné tort, et leur parti n’est plus qu’un système d’histoire.

Les néo-gibelins ne sont pas restés en arrière. Avec eux en général, les rois lombards deviennent des saints ; Luitprand a pratiqué plus de vertus, a bâti plus d’églises, a fondé plus de monastères qu’aucun prince de la chrétienté. À les entendre, les comtes lombards ont laissé les villes aux anciens Romains ou à leurs évêques. Ils se contentaient des campagnes, et encore n’imposaient-ils leurs lois qu’à leurs concitoyens ; quant aux vaincus, ils avaient le choix entre la loi romaine et la loi lombarde. Les Francs au contraire étaient, suivant eux, fort cruels ; ni Charlemagne ni les rois de France n’ont jamais descendu le versant des Alpes que pour le malheur de l’Italie. Héritiers des doctrines bien ou mal interprétées de Dante, les néo-gibelins devraient aimer les empereurs ; mais ils ont sur Dante l’avantage d’une cruelle expérience, ils ne peuvent oublier que les empereurs étaient des étrangers, des Tedeschi, et ils ne font d’exception qu’en faveur de Frédéric II et de Manfred, qui étaient nés sous le ciel italien. Ils ne peuvent effacer de l’histoire l’épouvantable destruction de Milan, les divisions fratricides fomentées entre les communes, tant d’exécutions affreuses ordonnées par les Hohenstaufen. Il n’en est pas de même des atrocités des Lombards ; elles se cachent sous la nuit la plus épaisse du moyen âge. À tort ou à raison, les néo-gibelins regrettent que les descendans d’Alboin n’aient pu fonder un despotisme compacte et durable du Pas de Suze au cap Spartivento. Dans ce système, les communes sont tout simplement des municipes romains conservés par la débonnaireté lombarde. Désormais tout est antique, tout est romain dans l’Italie moderne, le moyen âge n’est qu’un mauvais rêve qui a duré peu de temps ; une fois cette courte nuit dissipée, l’Italie s’est retrouvée dans les villes ce qu’elle était la veille. Cette école n’admet rien des temps gothiques. Il faut qu’elle vante la douceur du gouvernement des barbares, afin de prouver qu’ils ont respecté l’organisation romaine ; mais il faut aussi qu’elle rabaisse tout ce qui est barbare. Ne lui parlez pas des Nibelungen, des Sagas scandinaves, des vieux poèmes et des vieilles chroniques : tout ce qui n’est pas classique est contre le patriotisme. Avec de telles idées, la Florence de Villani et de Machiavel n’est autre que la Florentia de Tacite, qui envoyait un orateur au sénat romain pour empêcher