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grande ville dont les maisons sont bâties en corail. Le gouverneur le reçut avec beaucoup de politesse et mit à sa disposition une de ses résidences. La chaleur était intense ; le thermomètre marquait 48° centigrades. Le voyageur était depuis une quinzaine de jours à Souakim, lorsqu’une frégate à vapeur égyptienne jeta l’ancre dans le port et débarqua un régiment qui devait gagner Karsala, à vingt jours de marche de la côte, pour étouffer une révolte de la garnison nègre de la ville. Le commandant de la place mit généreusement ce navire au service de Baker ; mais celui-ci préféra un transport à vapeur qui le conduisit en cinq jours à Suez, où il se trouvait enfin au milieu de ses compatriotes.


VI.

Le voyage de sir Samuel Baker[1], dont nous venons de donner le résumé a-t-il enrichi la géographie de faits considérables ? S’il fallait en juger par l’étendue des pays inconnus qu’il a explorés, nous pourrions mettre en doute l’importance scientifique des résultats obtenus. Pendant les deux ans qu’il a passés dans les régions équatoriales, il a toujours circulé entre le 1° et le 5° de latitude nord et le 29° et le 31° de longitude est, c’est-à-dire dans un rectangle de 100 lieues de long sur 50 de large. Ce voyage ne peut donc pas être comparé à ceux de Burton, de Livingstone, de Speke et de Grant, pour ne parler que de ses compatriotes, et même dans cet espace restreint dont il a tracé la carte, une partie avait déjà été explorée par les deux derniers voyageurs et par le Vénitien Miani. La connaissance d’une contrée de peu d’étendue à l’est et au sud-est de Gondokoro et un tracé plus correct du cours du Nil sur un espace de 20 lieues, tel eût été le bagage scientifique que M. Baker aurait rapporté de son voyage, s’il n’avait pas découvert le lac de Louta-N’zigé, cette splendide nappe d’eau, encadrée de belles montagnes et de falaises tapissées de la plus riche végétation, et la plus grande sans doute que renferment les régions équatoriales. Cette découverte est à coup sûr un fait important ; n’oublions pas toutefois que la position du lac et la route qui y conduit lui avaient été indiquées par Speke. Quand on compare les cartes qu’ils ont dressées l’un et l’autre, on ne peut vraiment qu’être étonné de la valeur des renseignemens que Speke avait recueillis, sur lesquels il avait fait l’esquisse de contrées inconnues de lui et donné les grands contours et la direction de l’Albert-Nyanza.

Baker n’a pas eu à chercher péniblement sa route, il a pu aller

  1. Il vient d’être créé chevalier (knight) par la reine.