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honorent le septième jour, le sabbat. Je crains que, dans les belles funzioni, nom qu’on donne aux pompeuses cérémonies du culte romain, il ne se trouve plusieurs jeunes gens qui, sans le savoir, suivent les conseils d’Ovide plus qu’ils n’écoutent les conseils de leur confesseur, — et ils en ont un, car à Rome, quand on ne se confesse pas, on va en prison.

Ovide ne veut pas qu’on manque d’assister à un triomphe, quand viendra celui qu’il présage pour le jeune Caïus. « Les jeunes gens et les jeunes femmes seront mêlés pour le contempler ; ce jour répandra un entrain général. Alors une d’entre elles te demandera les noms des rois enchaînés, et des statues qu’on porte, des pays, des fleuves et des montagnes. Réponds à tout, et même n’attends pas qu’on t’interroge : Voilà l’Euphrate, le front couronné de roseaux ; celui qui a une chevelure azurée, ce sera le Tigre ; de ceux-ci, tu feras des Arméniens ; cette région, c’est la Perse ; cette ville est située dans la vallée des Achéménides. Tu diras : « Voici tel général, voici tel autre, nommant juste, si tu peux, sinon le mieux possible. »

Le spectacle des triomphes nous ramène à la voie Sacrée, dont nous avons appris à connaître les habituées. C’était aussi là, ou près de là, que l’on achetait les cadeaux qui devaient gagner leurs pareilles d’un étage plus relevé. La voie Sacrée côtoyait un marché ; ce marché était le marché des gourmands, forum cupedinis ; on y vendait des comestibles. Ovide recommande à l’amant de faire porter chez celle à qui il veut plaire, comme s’ils venaient de sa villa, près de Rome, des fruits ou du gibier achetés dans la voie Sacrée.

La voie Sacrée était bordée de boutiques appartenant au commerce élégant, comme nous l’apprennent les inscriptions. Dans les conseils qu’Ovide adresse aux belles adorées, car il en a aussi pour elles, il les engage à montrer les cadeaux qu’elles ont reçus, pour tenter ainsi celui qui peut en faire d’autres, et, s’il ne semble pas comprendre, de lui demander : « Qu’y a-t-il de nouveau dans la voie Sacrée ? » Le poète pousse la complaisance pour elles jusqu’à leur indiquer où elles pourront acheter de faux cheveux blonds ; elles en trouveront dans le portique de Philippe, qu’on venait de reconstruire devant le temple d’Hercule Musagète.

« Qui le croirait ? s’écrie Ovide, les tribunaux eux-mêmes sont favorables à l’amour. » Et il cite particulièrement le forum de César, placé sous la protection de Vénus, qui y avait son temple. « Là, dit-il, le jurisconsulte est surpris par l’amour. Celui qui doit veiller aux intérêts d’autrui se trahit lui-même ; en ce lieu, la parole fait défaut à l’avocat disert. Un cas inattendu se présente où il a sa