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niers siècles. Je lis aux premières pages de son livre ces incroyables paroles : « Qu’était-ce que Gustave-Adolphe, le roi de Suède, qu’on nous apprend encore dans nos écoles, — tant est grande notre bonhomie ! — à vénérer comme le héros de la foi protestante ? Qu’était-ce que Bernard de Weimar, et tous les autres avec eux, leur nom n’importe guères, qu’était-ce encore une fois, entre les mains de Richelieu ? Des marionnettes luthériennes que le cardinal catholique faisait mouvoir, des condottieri soldés par la France en ses guerres contre l’Allemagne. »

Ce n’est pas le moment d’apprécier dans son ensemble la politique de M. le baron de Beust. Toutefois, sans manquer ni à la justice envers un homme d’une rare valeur ni à la générosité à l’égard d’un vaincu, on peut dire que le caractère de cette politique était une complaisance excessive pour les traditions de l’ancienne Autriche. M. de Beust a été une sorte de Metternich saxon ; il a eu peur de cet esprit national qui se faisait jour par toutes les issues, et au lieu de s’en servir pour augmenter les forces morales de la Saxe, il l’a obligé de tourner ses regards du côté de Berlin. Pourquoi y a-t-il un parti prussien à Leipzig ? Parce que l’esprit public ne trouvait point d’aliment sous le gouvernement autrichien de la terre saxonne. Ne dites pas que ce parti prussien s’est constitué surtout depuis la journée de Kœniggrætz. La victoire a trop souvent cet effet de fasciner les faibles, d’entraîner les indécis, de terrifier les lâches : ce serait pourtant mal connaître l’Allemagne que d’appliquer ces lieux communs à la situation actuelle. Le parti prussien à Leipzig date de bien des années ; s’il a pu naître et grandir, c’est l’imprévoyance, c’est la timidité du gouvernement saxon qui l’a permis. La tragique histoire mise en lumière par M. de Vitzthum n’offre-t-elle pas un frappant symbole de la politique dont il est le défenseur ? Le cabinet de Dresde s’est laissé ravir ses armes par son redoutable voisin ; enveloppé par la marche des idées, il s’est laissé bloquer sans munitions et sans vivres comme l’armée d’Auguste III derrière les rochers de Pirna. Quoi ! voilà un pays plein de ressources, une nation laborieuse, industrieuse, libérale, attachée à ses traditions propres, non moins dévouée à la communauté allemande, et qui n’aspire qu’à déployer ses forces ; on la sépare du mouvement national où elle aurait si bien rempli son rôle, on veut qu’elle se désintéresse des questions où est engagée la grande patrie, on lui accommode un régime à l’autrichienne, un régime patriarcal et doux, mais sans esprit public ; on l’énervé, on l’endort. Cependant autour d’elle le mouvement de la vie s’accroît. Comment s’étonner que les hommes d’action et de progrès s’accoutument à chercher ailleurs l’air salubre que vous leur refusez ?

L’histoire impartiale ne reprochera point au gouvernement saxon