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sécessionistes de la première heure, dont le nom était lié trop publiquement aux plus amers souvenirs de la guerre civile. De leur côté, les démocrates du nord chassèrent sans pitié ces traîtres avérés qui, comme MM. Wood et Vallandigham, étaient maintenant trop décriés pour qu’aucun parti risquât de se les adjoindre.

Ces précautions étaient nécessaires pour rassurer l’opinion publique sur le caractère suspect d’une convention où étaient admis tant de traîtres et de rebelles dont le repentir semblait douteux. C’était pour calmer ces alarmes que la convention faisait si grand bruit de son titre sonore de convention unioniste, et qu’elle arborait avec tant d’affectation cette bannière de l’unité nationale qui avait appartenu pendant la guerre aux seuls républicains radicaux. Elle cherchait même à rassurer le peuple en lui montrant une ménagerie de sudistes apprivoisés à qui elle faisait faire de grandes professions de loyauté. Le gouverneur Orr de la Caroline du Sud prononçait dans un meeting un discours où il déclarait que la sécession était irrévocablement condamnée, et que ses compatriotes ruinés n’avaient plus de salut que dans l’invasion des capitaux du nord. La convention de Philadelphie n’aurait pas été inutile, quand même elle n’aurait eu d’autre résultat que de montrer au peuple combien étaient devenus traitables ces rebelles qui l’année dernière disaient préférer la mort à la honte de rentrer dans l’Union.

Les résolutions votées furent telles qu’on devait les attendre. Elles résumaient en quelques mots toute la politique présidentielle, à savoir que l’Union et la constitution étaient rétablies, que ni congrès ni gouvernement ne pouvaient refuser leur représentation aux états du sud, que nul état ne pouvait se retirer de l’Union, ni en revanche exclure un autre état de l’Union par son action dans le congrès, que le droit de prescrire les qualifications de la franchise électorale appartenait aux états; enfin elles promettaient l’appui dévoué des conservateurs aux efforts patriotiques du président Johnson pour sauver l’Union fédérale. — Ce manifeste fut porté à Washington par une députation de cinq cents membres qui allèrent en troupe à la Maison-Blanche le déposer aux pieds du président. Celui-ci leur répondit par un long discours où il les appela les sauveurs de la patrie, les seconds fondateurs de la république, compara leurs résolutions à la déclaration de l’indépendance, jura pompeusement d’y rester à jamais fidèle, — et dénonça le congrès plus violemment que jamais.

Cependant les radicaux ne restaient pas inactifs. La bataille électorale était engagée sur tous les points; on n’en était encore qu’aux fusillades d’avant-postes, et les injures tombaient dru comme grêle sur l’un et l’autre parti. C’était à qui l’emporterait dans ce dialogue aimable et d’ailleurs peu meurtrier. On se renvoyait avec