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triompher sa politique personnelle sur celle de ses ennemis Thaddeus Stevens, Charles Sumner et Wendell Phillips. L’intérêt électoral est la seule chose qui le préoccupe. Cette politique personnelle, cette politique à lui dont il a toujours la bouche pleine, n’est bonne qu’à diviser le pays, à ameuter les factions, à retarder indéfiniment la réconciliation du nord et du sud. Il peut se vanter de représenter à lui tout seul ce principe de l’Union que tout le monde invoque; il peut faire aux radicaux l’injure inoffensive de les appeler des rebelles; c’est lui-même qui est, sans le savoir, le plus grand des ennemis de l’Union et le courtisan le plus dangereux des passions qui mènent à la guerre civile.


IV.

La preuve ne s’en fit pas longtemps attendre. La lutte électorale à peine engagée venait d’avoir un sanglant prélude. Il y avait eu à la Nouvelle-Orléans une véritable bataille entre les radicaux et les esclavagistes, les uns soutenus par les gens de couleur, les autres protégés par la police : il s’en était suivi une véritable boucherie de radicaux blancs et noirs, à laquelle la police urbaine avait activement participé. Il y avait bien quelques détails ténébreux dans cette affaire. Les deux partis se renvoyaient, suivant l’usage, le reproche de la première agression. Le président et ses amis auraient bien voulu faire passer le massacre pour une émeute des abolitionistes; mais un rapport lumineux du général Sheridan vint dissiper tous les doutes et jeter un jour sinistre sur les dispositions cachées des esclavagistes.

On se rappelle peut-être que l’état de la Louisiane, reconquis par les armes fédérales dès le commencement de la guerre civile, fut réorganisé, il y a deux ans, sous la dictature militaire du général Banks. Une convention radicale, nommée sous la même influence par le très petit nombre d’électeurs dont elle pouvait disposer, vint alors siéger à la Nouvelle-Orléans pendant plusieurs mois pour y faire une constitution nouvelle. Cette assemblée n’a pas siégé depuis lors; mais, comme elle s’était prorogée sans se dissoudre et en se réservant de se réunir plus tard à une époque indéterminée, elle croyait que son mandat n’était pas encore expiré. Quand le dernier amendement constitutionnel eut été voté par le congrès, les radicaux qui la composent purent donc songer à la faire revivre afin de ratifier l’amendement. Ils consultèrent le gouverneur Wells, qui, après un peu d’hésitation, se décida à convoquer les collèges électoraux pour remplir les sièges devenus vacans. On calculait qu’il allait y avoir en faveur de l’amendement une majorité imposante, et que l’état de la Louisiane aurait la gloire d’être un des premiers à