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manqueront pas de lui susciter. Enfin l’admission des représentans du sud en aussi grand nombre que possible était essentielle au rétablissement immédiat de son influence et de son autorité. Les 56 voix du sud, qui ne peuvent pas assurément faire la loi aux 200 voix du nord, pourraient endommager beaucoup cette majorité radicale qui porte tant d’ombrage au président.

Tels sont les vrais motifs qui l’ont animé d’un si beau zèle contre le despotisme du congrès. Pour lui d’ailleurs, comme pour ses adversaires, l’affaire importante du jour n’est pas tant un problème de droit constitutionnel à résoudre qu’une question de politique et d’opportunité. Il est convaincu sincèrement qu’assez de précautions ont été prises à l’égard du sud, et qu’il y aurait maintenant plus d’avantages à lui témoigner une confiance hâtive qu’à l’indisposer par une défiance trop prolongée. Il affirme que les états du sud ont fait à l’heure présente les dernières concessions qu’on en puisse jamais obtenir : plus de rigueur ou d’exigence ne servirait qu’à les brouiller à tout jamais avec l’Union fédérale et à ranimer chez eux l’esprit funeste qui a donné naissance à la rébellion.

C’est là, il faut l’avouer, une question difficile, la seule, dans tout ce débat, où l’hésitation soit possible, la seule qui mérite un examen sérieux. Il est certain qu’en faisant attendre trop longtemps la restauration promise, on court quelque danger de retarder l’apaisement du sud. Si l’opinion du pays était vraiment telle que M. Johnson la représente, le moment serait venu de se jeter dans les bras des rebelles et de s’en remettre à leur loyauté de leur bonne conduite future. A l’en croire, les états du sud seraient tout à fait résignés à leur défaite, ils recommenceraient à chérir le nord d’une amitié fraternelle; ils auraient accepté sans arrière-pensée l’abolition de l’esclavage, la répudiation de la dette et toutes les autres conséquences de la guerre; la meilleure intelligence régnerait entre l’esclave affranchi et le maître dépossédé; la confiance serait déjà touchante entre les deux races; les affranchis travailleraient, toucheraient de beaux salaires, les plantations seraient florissantes; tout irait pour le mieux sans les officiers du bureau des affranchis, ces trouble-fête, qui exploitent et oppriment les noirs, gênent les transactions, s’interposent entre les patrons et les ouvriers, sur lesquels ils font peser un nouvel esclavage plus rigoureux cent fois que l’ancien. C’est à leur funeste influence et aux excitations radicales parties du nord qu’il faudrait imputer les désordres qui viennent encore de temps en temps troubler cette heureuse harmonie. Quant aux hommes blancs, M. Johnson nous les dépeint comme remplis de sagesse, de bonne volonté, de modération, animés du plus pur et du plus généreux patriotisme; c’est dans le sud, en un mot, que seraient les meilleurs et les plus loyaux citoyens de l’U-