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leur dicter impérieusement les garanties qu’il croyait légitimes. Que pensait-il donc alors de leur droit inaliénable à rentrer sans condition dans l’exercice de tous leurs anciens privilèges? Il y croyait si peu qu’il se faisait lui-même le régulateur de leurs droits politiques et qu’il leur dispensait leurs libertés une à une à mesure qu’il était satisfait de leur obéissance. Il était d’avis, avec tous les gens de bon sens, que le gouvernement national n’avait pas moins le droit de punir la rébellion qu’il n’avait eu le droit de la combattre. Ses conditions, on les connaît de reste : elles ne se bornaient pas à l’annulation indispensable de l’ordonnance de sécession; elles contenaient encore l’adoption obligatoire de l’amendement constitutionnel abolissant l’esclavage, la répudiation radicale de toutes les dettes locales ou générales contractées pendant la guerre par le gouvernement confédéré ou par les gouvernemens particuliers des états du sud, enfin la modification des législations d’état dans le sens de l’égalité civile et la garantie de quelques droits judiciaires aux nègres affranchis. Telles étaient les réformes auxquelles devaient souscrire les états du sud avant de recouvrer seulement l’usage de leurs libertés locales, — autant d’usurpations abominables que le président de cette année devrait reprocher au président de l’année dernière avant de s’indigner si fort des procédés du congrès. A-t-il donc oublié la fermeté virile avec laquelle il imposait ses volontés aux sudistes récalcitrans? — Un état semblait-il hésiter à voter l’amendement constitutionnel, il déclarait péremptoirement qu’il ne retirerait pas ses gouverneurs provisoires, et qu’il ne reconnaîtrait pas les autorités élues par le peuple aussi longtemps que l’amendement ne serait pas ratifié. Une législature répugnait-elle à répudier sa part de la dette confédérée, vite un message du président arrivait par le télégraphe, et la mesure devait être votée séance tenante. — Ce n’est pas tout : il faisait entendre que ces réformes n’étaient pas les dernières, qu’elles n’étaient que l’introduction d’un ordre nouveau. Tout en conseillant de s’en contenter pour l’heure présente, il sentait bien qu’il était réservé à un prochain avenir de résoudre le grand problème de l’égalité des races. Lors des élections locales de l’année dernière, les républicains essayèrent de sonder sa pensée sur la question du suffrage des noirs : il eut alors avec un radical de ses amis une conversation semi-officielle qui fut publiée dans les journaux. M. Johnson s’y déclarait en principe partisan du droit de suffrage égal aux deux races, et il indiquait lui-même une série de mesures propres à ménager la transition en octroyant progressivement la franchise électorale aux anciens esclaves. Il aurait voulu, disait-il, qu’elle fût donnée d’abord à ceux qui sauraient lire à haute voix la constitution des États-Unis, puis aux anciens soldats de l’armée fédérale, et