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gocier déjà avec l’Italie, comme d’un autre côté une restauration pontificale est impossible et que la situation actuelle ne peut rester ce qu’elle est, il faut bien s’arranger pour marcher, fût-ce au risque de protestations qui ont été plus d’une fois le refuge d’une conscience scrupuleuse sans jamais empêcher les choses inévitables de s’accomplir. Un prélat distingué me disait un jour à Rome : « Vous aurez beau chercher, il n’y a que trois solutions possibles, une avec le pape, et celle-là, il n’y faut pas songer, puisque le saint-père ne se prêtera directement à rien; une autre contre le pape, et celle-ci offenserait l’Europe, répugnerait à l’Italie elle-même, j’espère; il n’y a plus qu’une troisième solution, cette dernière sans le pape, c’est-à-dire combinée de façon à se passer de son assentiment et à ménager sa dignité, son honneur, son indépendance, en lui laissant la possibilité de rester à Rome, qu’il ne quittera certainement qu’à la dernière extrémité. » C’est pour cette solution que conspirent visiblement aujourd’hui la puissance des choses, la marche des intérêts, la nécessité inexorable des situations, et, je l’ajouterai, l’attitude du gouvernement italien lui-même, qui vient de se montrer un gouvernement supérieur et prévoyant par cela seul que, récemment grandi en puissance, il redouble de modération dans ses actes et dans ses paroles le jour où il se trouve forcément ramené en face de ce problème des rapports de l’Italie et de la papauté.

Après cela, je le sais bien, la paix fût-elle signée entre Rome et Florence, ou, pour mieux dire, une situation de tolérance, d’indépendance mutuelle, fût-elle créée à Rome, tout n’est point fini; tout commence peut-être au contraire. Ce n’est ici que le côté italien d’une question qui touche à toutes les conditions extérieures du catholicisme, à ses rapports avec les sociétés, à la politique de l’église comme aussi au système de conduite de tous les catholiques dispersés dans le monde. C’est toute une ère nouvelle qui s’ouvre obscurément au milieu des incertitudes, des résistances et des impatiences. L’Italie ne peut se méprendre : par la révolution qu’elle vient d’accomplir, qui est désormais un grand et irrévocable fait de plus dans l’histoire, la papauté cesse d’être italienne, ainsi qu’elle l’a été presque toujours jusqu’ici. Lorsque le pontife de Rome était prince temporel, souverain d’un territoire au-delà des Alpes, il était tout simple qu’il fût Italien. Une fiction passée dans l’habitude pouvait concilier dans sa personne le prince national et le chef d’une église universelle. Aujourd’hui c’est le caractère universel qui reste seul, et la nécessité ou la convenance d’une origine italienne ne compte plus dans le choix du pontife, dans le gouvernement catholique. De même il est bien clair que le sacré-collège ne