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d’autres peuples barbares, réduites à l’état d’humbles servantes : elles jouissent au contraire d’une influence souvent prépondérante dans les conseils. Quant à la religion, ils ne semblent avoir aucune notion d’un être supérieur à l’humanité, et les missionnaires des diverses communions chrétiennes qui sont allés s’établir près de leurs villages n’ont obtenu aucun résultat satisfaisant.

Faute d’industrie, les Dyaks mènent souvent une vie misérable au milieu d’un pays d’une extrême fertilité. Ils se nourrissent du riz que cultivent leurs esclaves, et, dans les années de disette, se contentent des fruits que les arbres de leurs forêts donnent à profusion. Ils font un usage souvent immodéré de boissons fermentées. Le pays fournit de nombreuses productions d’une valeur commerciale, des rotins et des bois de construction, de la cire et du miel, du sagou, de la gutta-percha et une autre gomme connue sous le nom de damar. Il y a même des mines abondantes d’antimoine et des terrains aurifères que les Chinois ont seuls été capables d’exploiter. Aucune monnaie n’a cours parmi les indigènes : ils ne veulent échanger les fruits de leurs récoltes que contre les objets dont ils ont besoin. Les Malais et les Chinois, intermédiaires de ce trafic, y font de gros profits, et le bénéfice qu’ils en retirent accroît la haine naturelle que le peuple dyak porte à tous les étrangers.

Les tribus de Sakarran et de Seribas avaient eu de tout temps, parmi les Dyaks de la mer, un renom particulier de bravoure et de cruauté. Intimement unies entre elles, elles vivaient en hostilité permanente avec toutes les peuplades d’alentour, qu’elles pillaient et rançonnaient sans pitié, soit sur terre, soit sur mer. On raconte que lorsque les femmes de ces sauvages exprimaient le désir de posséder quelques ornemens précieux, tels que les colliers et les ceintures d’or ou d’argent dont l’un et l’autre sexe se parent avec complaisance, les hommes descendaient la rivière dans leurs barques de guerre et s’allaient embusquer dans les criques de la côte. Après avoir dépouillé ceux de leurs compatriotes qu’une mauvaise étoile amenait de ce côté, ils revenaient tranquillement au logis avec leur butin. La guerre civile était donc l’état normal. Malheur aux plus faibles! Leurs villages étaient brûlés, leurs moissons détruites, les adultes massacrés, les enfans emmenés en captivité. Certaines tribus avaient été tellement maltraitées qu’elles allaient s’éteindre, si les Européens n’étaient venus à leur secours. Sir James Brooke rencontra sur la rive gauche de la rivière de Sarawak une agglomération de 200 hommes qui vivaient seuls; femmes et enfans leur avaient été enlevés plusieurs années auparavant.

Outre les Dyaks et les Malais, on prétend avoir découvert au centre de Bornéo des tribus plus sauvages encore qui vivent dans