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catholique établie auprès de Malacca a fait de nombreux prosélytes dans leurs villages. C’est en somme un peuple dénué d’énergie et de force vitale, et qui semble prédestiné à s’éteindre à mesure que des races plus alertes s’approprieront, en les rendant plus productives, les terres désertes de la péninsule.

On dit plus de bien des Malais, qui forment la majorité de la population. En dehors des villes, ils vivent par petits villages de vingt à trente maisons, adonnés à la pêche ou à la culture du riz. Ils se font volontiers marins et pratiquèrent longtemps la piraterie, aussi longtemps du moins que ce métier ne fut pas trop périlleux. Aujourd’hui ils font le cabotage sur toutes les côtes asiatiques, vont à Siam, en Chine, aux Indes, et sont considérés comme bons navigateurs tant qu’ils ne s’éloignent pas des parages qui leur sont familiers. Dans les villes, ils deviennent cochers, domestiques ou jardiniers ; mais on leur reproche de se corrompre très vite au contact des habitudes européennes. Ils se livrent encore au petit commerce de détail et colportent les denrées d’une consommation quotidienne. Ils n’exercent jamais le négoce sur une large échelle, par insouciance des richesses, dit-on, plutôt que par incapacité. Ce sont des hommes qui se contentent de peu et n’ont aucune ambition. Les Malais, par esprit d’ordre et de subordination, restent soumis à l’ascendant de leurs chefs natifs, et ceux-ci subissent sans peine la suprématie des autorités anglaises. Rien n’est donc plus aisé que de mener de telles gens. Le nombre des individus de cette race augmente d’autant plus vite dans les possessions anglaises que beaucoup d’entre eux y arrivent de l’intérieur de la péninsule, désertant leur village natal afin de jouir du calme et de la sécurité que leur assure la domination étrangère.

À ne considérer que le nombre, à côté des Malais viendraient se ranger leurs ennemis les Chinois, qui s’établissent à Singapore, à Penang et à Malacca avec autant de confiance que s’ils étaient encore sur le territoire de l’empire du Milieu. Ils paraissaient à peine dans la péninsule malaise avant que ce pays appartînt aux Anglais ; c’est donc le drapeau britannique qui les y attire. Caractère industrieux et patient, sobriété, ardeur au travail, économie sordide, rien ne leur manque de ce qui conduit à la fortune. Ce peuple a l’esprit pratique ; il vise toujours au gain et ne se préoccupe guère de ce qui n’intéresse pas son négoce. Si les Chinois se résignent à s’éloigner pour un temps de leur terre natale, c’est avec l’intention bien arrêtée d’y revenir plus tard, lorsqu’ils se seront enrichis. Ils se fixent rarement dans les colonies ; bien plus, pendant le séjour qu’ils y font, ils restent en relations suivies avec leur famille lointaine, lui envoient leurs épargnes et retournent