Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le chef suprême... On croit avoir besoin de nous pour opérer sans cesse des subversions, et l’on ne considère pas que c’est notre conscience et notre honneur qui se refusent à tous ces changemens. On repousse avec humeur, avec colère, nos objections, et les demandes nous arrivent presque toujours accompagnées de menaces[1]. » M. Cacault était d’assez bonne foi pour reconnaître la justice de ces doléances du saint-père. « Il est bien vrai, écrit-il, qu’en lui demande sans cesse, et il accorde sans fin... Personne ne s’embarrasse de rechercher si en cédant à tout le pape ne tomberait pas dans l’infamie et le mépris. Le patriarche grec, sujet du Grand-Turc à Constantinople, est assujetti à des avanies auxquelles il satisfait en faisant payer les frais à son troupeau; mais le sultan ne le force jamais à rendre des décisions à la turque sur le dogme et la discipline, tandis que le pape est sans cesse tourmenté par les potentats, ses chers fils, pour de nouveaux sacrifices des anciennes règles. Il n’y a pas de fétiche qui ait été aussi battu par son nègre que le saint-siège, le pape et le sacré-collège l’ont été depuis dix ans par les fidèles catholiques[2]. »


III.

Le moment est venu d’examiner ce qu’il y avait de fondé dans les réclamations du saint-père contre la direction donnée par le gouvernement à la conduite des affaires ecclésiastiques en France. Si importante que fût pour l’église romaine et pour la religion catholique la nature des relations du premier consul soit avec le saint-père à Rome, soit avec le légat à Paris, relations dont nous venons d’esquisser un rapide, mais fidèle crayon, une chose les touchait de plus près toutes les deux : c’était la manière dont était comprise et journellement pratiquée l’exécution du concordat et des lois organiques. A cet égard les documens ne nous font pas non plus défaut, et, quoique nous ne soyons plus ici sur le terrain de nos études habituelles, l’application que Bonaparte a entendu faire de la convention passée avec le saint-siège a cependant joué un trop grand rôle dans les querelles subséquentes entre le chef du premier empire et celui de la catholicité, pour que nous ne soyons pas obligé de toucher en courant quelques mots d’une question qui fait si intimement partie de notre sujet.

Depuis le jour de la réconciliation officielle de l’église romaine et du gouvernement français, M. Portalis, conseiller d’état et l’un

  1. Dépêche de M. Cacault.
  2. Ibid.