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avec le désir ardent de pouvoir la terminer le mieux possible. Vous connaissez mieux que personne l’intérêt qu’elle y met, son attachement pour le premier consul, et toute sa sollicitude pour la France[1]. »

Ces assurances étaient parfaitement sincères. Il s’en fallait de beaucoup que les affaires importantes de l’église fussent à l’époque dont nous nous occupons uniquement décidées et conduites comme elles paraissaient l’être de nos jours par le saint-père en personne. La doctrine de l’absolu pouvoir du chef de la catholicité en matière religieuse n’était pas dominante alors, pas même à Rome. C’était l’ancien usage du Vatican, c’était le goût particulier du modeste Pie VII de consulter les membres du sacré-collège et de tenir le plus grand compte de leurs avis, librement exprimés et toujours exactement suivis. Les cardinaux furent donc convoqués peu de jours après l’arrivée à Rome de la nouvelle de la publication du concordat. Dans son allocution consistoriale, imprimée à l’heure même. Pie VII, s’adressant aux conseillers naturels du saint-siège, saisit cette occasion pour protester en face du monde catholique contre les lois organiques. Il prit soin d’établir qu’elles lui étaient absolument inconnues, qu’il n’y en avait eu nulle part, qu’elles lui causaient la peine la plus vive, et qu’il allait présenter à ce sujet au premier consul ses plus pressantes réclamations. Il ajouta que le grand homme qui gouvernait la France, après avoir désiré, par le concordat, rétablir la religion catholique, ne voudrait certainement point se contredire lui-même en maintenant des prescriptions qui lui étaient si contraires.

Le ministre de France à Rome, M. Cacault, lorsqu’il eut connaissance par une note officielle du cardinal Consalvi des déterminations du pape, s’en montra satisfait. Il n’y répondit point dans la même forme, car, en homme sage, il n’aimait pas les écritures diplomatiques inutiles. « Je vous ai plus défendu au sujet des évêques constitutionnels que le cardinal Caprara ne paraît vous avoir soutenu à Paris, et peut-être ai-je été jusqu’à me compromettre; mais n’importe. Quant aux articles organiques, vous avez prié de les modifier : on ne les modifiera pas; mais votre protestation va partir. Elle est décente et réservée dans les termes, quoique courageuse et assez déterminée au fond. De tout cela, il reste donc la grande affaire du concordat, et celle-là marche bien... C’est ainsi, gardant chacun la police de son camp, qu’il devient possible de faire sans bassesse quelques avances, de supporter sans honte quelques, dégoûts et de se faire respecter sans se nuire. » Le premier consul

  1. Mémoires du cardinal Consalvi, t. II, p. 377.