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de la double oppression qu’elle a depuis 1789 entrepris de détruire. Ceux qui sont vraiment jaloux d’apporter aux soumissions de la foi la dignité de la conscience libre n’ont rien à regretter dans ce reliquaire usé des vieilles servitudes ; ils devraient placer leurs espérances dans un avenir bien autrement sain, robuste et vivant, où les catholiques obtiendraient du droit commun des sociétés libres les garanties que l’alliance des pouvoirs n’a jamais ni pu ni voulu donner aux consciences.

La scène étant envahie par la perspective du grand changement de Rome, les complications créées par les derniers événemens européens attirent moins l’attention. Il serait d’ailleurs bien difficile de discerner les lignes précises d’une politique dirigée vers un but prochain dans la confusion que présente l’état de l’Europe. Après les secousses de la guerre et le trouble qui l’a suivie, on a partout des airs affairés et incertains, et on se consacre à des travaux d’arrangement. La Prusse a de quoi s’occuper avec ses deux parlemens, ses annexions, l’accroissement de ses forces militaires, son projet de constitution fédérale. L’Autriche semble commencer à se reconnaître ; la Hongrie est son affaire capitale, les questions relatives à ce noble pays vont être résolues conformément aux vœux des libéraux. Il y aura un ministère hongrois et le dualisme, en échange de quoi les Maggyars se montreront coulans sur les affaires communes. L’influent M. Deak demeurera en dehors du cabinet tout en secondant les combinaisons qui se préparent. La cour de Vienne fait bien de prendre un parti radical et décisif sur la question de Hongrie, et les Hongrois ont eu raison aussi de ne pas se montrer récalcitrans. La nationalité hongroise est menacée, elle aussi, d’être troublée par des questions de races ; elle enclave au milieu d’elle, et par millions d’âmes, des Roumains et des Slaves. Or le prince Charles est là, à la porte, prêt à faire valoir un jour les prétentions roumaines aussi bien contre la nation hongroise que contre l’empire d’Autriche. On en peut dire autant des races slaves, disposées à se plaindre tour à tour, suivant l’occurrence, du joug autrichien ou de la domination hongroise. L’état moral des populations slaves de l’Autriche demande à être surveillé attentivement à l’heure présente, car la propagande slave fomentée par la Russie prend une activité considérable. Les satisfactions que, par équité aussi bien que par nécessité, l’empereur François-Joseph a données et promises à ses sujets polonais en mettant M. Goluchowski à la tête de la Galicie ont causé à la Russie une réelle blessure. Les Russes et les propagandistes slaves à leur suite ne veulent voir dans la nouvelle politique suivie en Galicie qu’une menace contre les Ruthéniens qui habitent ce royaume, et qui se séparent des Polonais par des différences de race, de dialecte et de rites religieux. Les journaux des Ruthéniens ne prennent guère la peine de dissimuler leurs sympathies russes, et convoquent hardiment autour du berceau commun de la race les enfans de la petite mère Slava. les journaux des autres régions slaves ne sont point aussi franchement soumis aux influences russes, mais ils se plaisent à exprimer leur