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cristaux, dont ils surent tirer des effets de décoration : tel est le cas où les arêtes seules sont nettement accusées, et où les faces sont creusées jusqu’au centre du solide. Quant aux formes habituelles des concrétions minérales, on les retrouve à chaque pas dans l’architecture persane, et pour donner des exemples de ces intelligens emprunts aux décorations naturelles, on n’a que l’embarras du choix. La cassitérite ou oxyde d’étain et la marcassite ou fer sulfuré forment des cristaux prismatiques pyramidaux et des stalactites groupées identiques aux frises et aux cordons sculptés des monumens arabes.

Comparez les diverses cristallisations avec les sculptures des mosquées de Bajazid ou de Validé ; est-il possible de méconnaître la même loi de constructivité dans les unes et dans les autres ? Les Persans ont saisi sur le fait la loi rationnelle de l’agrégation des molécules, et ils l’ont transportée dans les combinaisons de toutes les lignes de leurs décors stalactiformes. Prenons au hasard des chapiteaux de Constantinople ; la forme cristallisée est partout évidente, et un chapiteau naturel de cristaux groupés pourrait être placé sur un fût de colonne persane sans que l’architecte le plus exercé à saisir les dissonances de style s’aperçût de la substitution. Nous en avons assez dit pour montrer à quelle source puissante l’art persan s’est abreuvé, et aussi pour indiquer combien il est facile à ceux qui aiment et observent la nature de trouver des voies nouvelles, des inspirations qui ajoutent aux connaissances acquises, d’obtenir enfin cette variété qui est indispensable pour l’esprit comme pour les sens.

Les procédés pratiques au moyen desquels les Persans utilisèrent les lois qu’ils avaient découvertes sont des plus simples. Le tracé de quelques polygones en projection horizontale devient la base de l’ornementation la plus fouillée dans ces voûtes où ils excellent. C’est ainsi qu’ils obtiennent ces milliers de niches ou d’alvéoles superposées, qui, s’élevant vers le point central où elles se rencontrent, finissent par reproduire cette voûte en ruche dont les gravures de l’Alhambra donnent une très exacte idée. On s’étonne de voir la facilité avec laquelle ces ornemanistes exécutent des reliefs aussi compliqués. Tous les matériaux leur sont bons, plâtre, stuc, faïence, bois, pierre, feuilles de cuivre ou morceaux de miroir. A l’aide de clous, de chevilles, de crochets en fil de fer, de colle même, ils attachent aux voûtes, aux arcs, aux niches, aux chapiteaux, ces ornemens légers qui d’après le dessin en plan se taillent à la main dans une feuille de plâtre mince comme du carton.

Ces corniches dont les creux et les saillies forment des ombres énergiques, d’autant plus considérables que la hauteur est plus