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animaux ces courbés, ces ellipses, ces spirales, ces hyperboles et ces paraboles, cette géométrie transcendante enfin, tracée par le jeu des attractions naturelles, et qu’ils surent appliquer avec tant de goût dans leurs travaux d’architecture et de décoration. Les formations minéralogiques et les concrétions madréporiques sont en somme composées de matériaux identiques ; elles sont soumises aux mêmes lois d’agglomération, si ce n’est qu’au lieu d’être une simple attraction moléculaire, galvanoplastique, si nous pouvons ainsi dire, les madrépores sont dus au travail des animalcules, maçons aussi expérimentés qu’infatigables.

La décoration cristalliforme est composée de nombreux prismes unis par leurs faces latérales, ce qui produit toute sorte de groupes qui donnent naissance à des combinaisons infinies, à des effets toujours nouveaux. C’est exactement ainsi que procède la nature dans la formation des sels et des cristaux. Les formes polyédriques, si nombreuses et si variées qu’elles soient, se ramènent, lorsqu’on en examine de près les caractères essentiels, à un très petit nombre de formes primitives. La cristallographie a réduit à six le nombre des groupes de cristaux[1]. Tous les corps, si rien ne trouble la force d’attraction des molécules au moment où elles s’agglomèrent en masses solides, cristallisent sous des formes géométriques, suivant un de ces six groupes polyédriques. C’est ainsi que le sel commun, le diamant, l’alun, le grenat, se rangent dans le système cubique, tandis que la topaze, le saphir, l’améthiste, le rubis, tendent à donner des cristaux ayant l’aspect d’un prisme droit dont les côtés seraient des parallélogrammes. Ajoutons que l’observation des propriétés optiques des minéraux a fait reconnaître, pour les pierres précieuses translucides, que la meilleure manière de produire une grande réfraction était de tailler ces pierres suivant la loi de formation. C’est là ce que font les joailliers pour les diamans, les rubis, les saphirs, les émeraudes, les hyacinthes et les péridots. Chacun de ces corps cependant ne reproduit pas toujours en cristallisant la forme simple et primitive du système auquel il appartient. Il est rare que le jeu des attractions naturelles ne se trouve pas plus ou moins dérangé par des causes extérieures, et l’on obtient alors pour les cristaux des formes dérivées. C’est ce dont les architectes persans s’étaient aperçu, et il est bien évident que dans les combinaisons de figures auxquelles ils se livrèrent pour obtenir des solides divers, ils eurent recours aux procédés qu’emploie la nature elle-même. Ils avaient en outre observé certaines modifications plus rares et, pour ainsi parler, certaines difformités des

  1. Beudant, Cours d’Histoire naturelle.