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allusion aux nombreuses marchandises d’Europe entassées dans les entrepôts de la douane, je ne voulais pas tirer les marrons du feu pour le compte de l’Angleterre et de la France. » Il se figurait naïvement que les plus graves intérêts engagés dans la guerre de l’Espagne et du Chili étaient ceux des marchands, et ne comprenait pas qu’il importait avant tout de maintenir dans son intégrité l’honneur d’un état jouissant des mêmes institutions que l’Union américaine. Il voyait dans cette affaire une simple question de doit et avoir pour les expéditeurs anglais, tandis qu’il s’agissait en réalité de la cause commune des républiques du Nouveau-Monde.

Il est vrai que le gouvernement américain a vu d’un œil beaucoup plus jaloux l’intervention de la France dans les affaires intérieures du Mexique ; mais il ne faut pas oublier qu’il a lui-même des intérêts de premier ordre à maintenir dans son voisinage une république ayant, en théorie du moins, les mêmes institutions que les États-Unis. Il ne peut en effet sans la plus grande appréhension voir s’établir à ses côtés un empire fortement centralisé, qui servirait de point d’appui aux puissances européennes dans toutes les questions internationales relatives à l’Amérique, et qui tiendrait constamment l’Union sur le qui-vive. Comprenant parfaitement que la consolidation du trône de Maximilien aurait pour conséquence nécessaire de mettre les États-Unis au régime des armées permanentes et des budgets en déficit, le gouvernement de Washington a fait tous ses efforts pour prévenir ce danger sans effusion de sang, et les événemens actuels prouvent qu’il a réussi dans cette question vitale pour son avenir. Ce n’est point l’indépendance du peuple mexicain, en général fort méprisé par les Américains du nord, mais ce sont bien plutôt les intérêts immédiats de l’Union qui ont donné une telle énergie à l’intervention diplomatique du cabinet de Washington en faveur de son allié Juarès.

Du reste M. Seward, qui pendant son ministère a prononcé tant de discours et rédigé de si nombreuses dépêches, s’est chargé lui-même d’exposer nettement sa politique à l’égard des autres états du Nouveau-Monde. Dans un discours adressé au représentant de Saint-Domingue, ce diplomate compare sa patrie, la grande république du nord, à un palais immense. Au-dessus de l’édifice s’arrondissent les coupoles et se dressent les tours : le regard suit avec admiration les lignes harmonieuses du monument superbe, mais il s’arrête à peine sur les modestes bâtimens qui servent de contre-forts au massif central et en assurent la durée. Les constructions latérales sont les petites républiques espagnoles voisines du groupe puissant des états anglo-saxons ; elles sont comme autant de bastions avancés qui défendent l’entrée de la citadelle. Rien de plus juste à un certain point de vue : sans nul doute, les institutions républicaines