Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/977

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nouveau-Mexique. Ces craintes auraient peut-être eu quelque fondement avant la récente guerre d’émancipation, mais actuellement elles sont chimériques, car la politique américaine a dû se transformer complètement. Il ne faut point oublier que l’annexion du Texas et la conquête d’une moitié du territoire mexicain se firent jadis à l’instigation du parti des planteurs, qui dirigeait alors la politique des États-Unis, et qui depuis s’est suicidé en provoquant la terrible lutte des états libres contre les états à esclaves. Les populations du nord, qu’on entraîna contre leur gré dans la déplorable guerre de 1846 contre le Mexique ne demandent qu’à rester en paix avec les états voisins et à s’occuper sans interruption de développer leur commerce et leur industrie.

Loin de pouvoir s’assimiler facilement les nations étrangères, les Américains, qui sous ce rapport ressemblent à leurs ancêtres d’Angleterre, sont au contraire un des peuples qui savent le moins s’associer avec les races différentes de la leur. Audacieux et persévérans, ils marchent en droite ligne vers leur but sans trop se soucier d’autrui, et ne s’attardent pas à comprendre les idées et la manière de penser des étrangers avec lesquels ils se trouvent en contact. Depuis plus de deux siècles, ils habitent le même territoire que les Indiens, mais au lieu de chercher en eux des alliés et de les amener graduellement à leur niveau intellectuel et moral par des entreprises communes et le croisement des races, ils n’ont guère su que repousser ces pauvres aborigènes dans les déserts de l’ouest. Le nombre des peaux-rouges a graduellement diminué des deux cinquièmes. Le massacre des guerriers, les maladies qu’avaient apportées les blancs, l’oisiveté forcée des tribus de chasseurs auxquelles on achetait leurs forêts, enfin le sombre ennui qui s’empare de ces hommes autrefois libres et fiers, ont réduit la population aborigène de plus de 200,000 sur un demi-million qui peuplaient les Alleghanys et les plaines du Mississipi lors de l’arrivée des visages pâles. A peine 30,000 Indiens vivant dans les diverses parties de l’Union sont-ils maintenant comptés parmi les citoyens et peuvent-ils espérer que leur postérité se fondra dans la masse du peuple américain. Dans l’ouest, les métis sont très peu nombreux. On sait que les trappeurs français et canadiens, qui sont pourtant un bien faible élément de population comparés aux Américains de race anglo-saxonne, ont beaucoup plus contribué que ceux-ci au croisement des races et à la création de familles autochthones tenant à la fois du peau-rouge et du blanc.

D’ailleurs, pour se rendre compte de la puissance d’assimilation qu’aurait le peuple américain, s’il devait tout à coup associer à ses destinées une république hispano-indienne comme le Mexique ou le Venezuela, il suffit de voir combien faible a été son influence