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de l’inexpérience militaire, ont été depuis glorieusement réparées. Les Paraguayens se sont lentement retirés de la province de Corrientes qu’ils avaient envahie, mais en se retirant ils ne cessaient de harceler l’ennemi, de battre en détail ses avant-gardes, de lui prendre ses convois de vivres. Ces hommes, que l’on représentait d’abord comme un ramassis de fuyards, ont eu presque toujours le privilège de l’offensive ; les commandans de l’armée alliée, mal soutenus par l’amiral Tamandaré, qui n’a pas d’ordres à recevoir du général en chef Mitre, ont été le plus souvent prévenus par le général Lopez dans leurs préparatifs d’attaque, et malgré la grande supériorité de leurs forces et leur puissante artillerie ils n’ont pu chaque fois rendre la lutte indécise qu’après avoir assisté à la déroute de leurs troupes les plus avancées. Même, lorsque les alliés occupaient déjà la rive gauche du Parana, un faible corps de Paraguayens, franchissant inopinément le fleuve, vint engager la lutte contre une armée entière, et ne se retira qu’après avoir maintenu pendant trois jours sa position sur le champ de bataille de San-Cosme. Enfin à Tuyuti, dans ce conflit qui fut probablement le plus sanglant de toute l’histoire de l’Amérique du Sud, les alliés se sont de nouveau laissé surprendre, et bien qu’ils disent être sortis vainqueurs de cette journée, ils n’en ont pas moins dû rebrousser chemin pour se réfugier sous les canons de leur flotte dans les terres noyées où le typhus les décime[1]. Près de deux mois après le terrible choc de Tuyuti, les Brésiliens, renforcés par 6 ou 7,000 hommes que leur amenait le baron de Porto-Alegre, ont à leur tour pris l’offensive ; mais cette fois encore ils ont été rejetés dans leur campement marécageux après avoir perdu leurs meilleures troupes et quelques-uns de leurs chefs les plus vaillans. Ils sont de nouveau condamnés à attendre des renforts, des vivres et des munitions de guerre, heureux encore si les arrivages espérés suffisent à compenser les pertes de chaque jour !

Pour atteindre l’Assomption et remporter ainsi la victoire « décrétée » le 1er mars 1865, les alliés ou plutôt les Brésiliens, car les Orientaux sont réduits à quelques centaines et les Argentins à quelques milliers d’hommes, ont donc beaucoup à faire. S’ils veulent suivre jusqu’à la capitale du Paraguay le chemin qu’ils ont choisi, il faut d’abord qu’ils se dégagent de leurs marais et de la ligne de circonvallation qui commence à les entourer ; ils ont ensuite à prendre d’assaut le camp retranché dans lequel s’est établie l’armée de Lopez, puis à s’emparer successivement des forts de Curupayti et de ceux d’Humayta, la citadelle la plus formidable de l’Amérique du Sud ; s’ils réussissent à forcer ainsi la porte

  1. Le mot de tuyuti signifie en langue guarani le pays des marais.