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que la politique imprudente de l’Espagne pourra lui coûter un jour.

Quant au Mexique, il est toujours en partie occupé par des troupes européennes, et sa capitale est le siège d’un empire dont les frontières indécises changent de jour en jour suivant les diverses alternatives de combats incessans. Toutefois il est désormais permis de prédire, sans un grand effort d’imagination, qu’un nouveau changement politique va s’accomplir à Mexico, et qu’un gouvernement conforme aux traditions du pays succédera au règne éphémère de Maximilien. Le prochain départ des troupes françaises, la désorganisation des finances impériales et l’empressement avec lequel on proclame la déchéance du nouveau souverain dans chaque ville et chaque bourgade abandonnée par ses soldats font de la restauration prochaine de la république mexicaine un événement facile à prévoir. Alors la doctrine dite de Monroe, à laquelle les nations américaines ont graduellement donné une signification de plus en plus large, sera sérieusement respectée par les puissances monarchiques de l’Europe ; toute intervention efficace de l’Espagne, de la France ou de l’Angleterre deviendra impossible, et par conséquent l’une des principales causes qui arrêtaient les jeunes états de l’Amérique dans leur essor aura disparu. En grande partie maîtres de leur destinée, c’est principalement à eux-mêmes qu’ils devront s’en prendre de leurs guerres et de leurs révolutions futures.

Néanmoins, si les anciennes colonies espagnoles n’ont plus à craindre de retomber sous la domination d’un peuple d’Europe, quelques-unes d’entre elles ont à redouter les envahissemens d’une puissance occupant comme elles une partie du territoire américain. Le Brésil, groupe de plateaux que le Parana et les affluens de l’Amazone séparent de la base orientale des Andes, constitue un territoire distinct du reste du continent, et les populations qui se sont établies sur ces plateaux diffèrent par l’origine, la langue, les institutions, les mœurs, de celles des autres parties de l’Amérique. Le contraste qui existe entre le Brésil et les régions andines est également frappant sous le double rapport de la géographie et de l’ethnologie. D’un côté, les Hispano-Indiens occupent les vallées d’une haute chaîne de montagnes ; de l’autre, les fils des Portugais et des noirs d’Afrique peuplent un massif isolé qu’entourent les mers et d’immenses plaines de marécages et de forêts ; à l’ouest des nations affranchies, à l’est un mélange d’habitans dont le tiers se compose de misérables esclaves sans patrie et sans droit. Le contraste offert par les deux groupes de populations qui se partagent l’Amérique du Sud est donc complet, et malheureusement, dans l’état de barbarie qui est encore à tant d’égards celui de la race humaine, cette opposition ne peut que donner lieu à de sanglantes guerres. La lutte qui pendant tant de siècles avait divisé les deux