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Buenos-Ayres se contentèrent de signer une alliance défensive contre toute attaque de l’Espagne ou d’une autre nation étrangère ; mais cette alliance n’était guère que la simple constatation de la lutte commune contre la métropole. Aussitôt après la fin des hostilités, Bolivar, alors dictateur du Pérou, s’empressa de recommander de nouveau aux républiques latines de l’Amérique l’idée d’un congrès central « réuni sous les auspices de la victoire. » La plupart des gouvernemens intéressés répondirent avec cet enthousiasme facile des Hispano-Américains. Le président de la Colombie alla même jusqu’à dire que « l’œuvre projetée de l’union était un fait dont l’importance n’avait point été égalée depuis la chute de l’empire romain ; » mais cette œuvre, personne ne l’accomplit. Les difficultés des communications, la lassitude causée dans tout le pays par la sanglante guerre qui venait définir, la profonde ignorance des populations, le manque d’intérêts matériels communs entre des pays éloignés de plusieurs milliers de kilomètres les uns des autres, empêchèrent de donner suite au projet de Bolivar. Ses invitations devenaient pourtant de plus en plus pressantes, car la France légitimiste menaçait alors de reprendre au nom du droit divin la cause que venait d’abandonner provisoirement l’Espagne. Dans son effroi, le grand homme de guerre allait même jusqu’à demander que le congrès des plénipotentiaires américains fût érigé en un comité de salut public indépendant de ses mandataires, et disposant d’une flotte puissante, ainsi que d’une armée de 100,000 hommes.

Enfin, vers le milieu de l’année 1826, un simulacre de congrès, composé seulement des mandataires du Pérou, de la Colombie, de l’Amérique centrale et du Mexique, se réunit à Panama, que l’on avait choisi comme le point le plus facile d’accès dans l’immense étendue des contrées hispano-américaines. Les délégués rédigèrent à la hâte un traité de ligue fédérative entre les états qu’ils représentaient et décidèrent la formation d’une armée commune de 60,000 hommes ; mais leurs décisions ne furent validées que par la seule république de Colombie, et cet état même ne fit aucun effort pour mettre son vote à exécution. Tel fut l’avortement d’un projet duquel on avait attendu des résultats si grandioses. Bolivar, dont les espérances s’évanouissaient ainsi, comparait tristement le congrès de Panama à un pilote fou qui, du rivage de la mer, essaierait de guider un navire secoué par les tempêtes du large.

Après cette vaine tentative de confédération, les gouvernemens sud-américains se bornèrent à échanger de temps en temps quelques notes sur cette question pourtant si vitale, et plus de vingt ans s’écoulèrent sans qu’une nouvelle assemblée de délégués fût convoquée. Seulement à la fin de 1847, c’est-à-dire à la veille de cette époque révolutionnaire si féconde dans les pays d’Europe en