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moment, a relevé tous ces défis, le gouvernement autrichien a considéré l’Allemagne comme un fief qu’il prétendait reconquérir, et la monarchie prussienne comme une vassale rebelle. Ainsi s’expliquent les proclamations du maréchal Benedek au début de la guerre, surtout ces instructions faites en vue de la victoire, instructions si étranges, si hautaines, si fortement marquées de l’esprit d’un autre âge, qu’elles ont dû paraître apocryphes à ceux d’entre nous qui faisaient des vœux pour l’Autriche sans la connaître assez. Cette « main de fer, » dont le maréchal menaçait « les peuples rebelles à l’autorité impériale, » ce n’était pas une image soldatesque, c’était un symbole politique. En ce vaste champ clos de la Bohême, de Koeniggrætz à Sadowa, deux principes inconciliables étaient aux prises, le principe de la sainte-alliance et le principe du monde moderne : c’est le principe moderne qui a vaincu.

Oui certes, il est permis de le dire, lorsqu’au lieu de regarder les choses d’une vue partielle on embrasse les faits dans leur ensemble, lorsque l’on considère à la fois leurs causés éloignées et leurs conséquences finales, on découvre une justice dans l’histoire. Maintenons ce principe avec les enseignemens et les consolations qu’il renferme. J’ai parlé de la punition de l’Autriche, punition heureuse après tout, puisque la monarchie de François-Joseph Ier a retrouvé si promptement les voies de son avenir. Elle hésitait depuis quinze ans entre les rénovations intelligentes que lui conseille l’esprit du siècle et les prétentions insoutenables que lui avait léguées l’ancien régime ; la voilà désormais affranchie des entraves d’une situation fausse. Rentrer dans l’ordre, comprendre sa destinée, pour les états comme pour les individus, c’est une victoire. Quand l’Autriche prétendait dominer l’Italie et l’Allemagne, que de haines elle attirait sur sa tête ! Elle n’a plus aujourd’hui qu’un rôle bienfaisant à remplir. En veillant sur ces peuples de race diverse, Tchèques, Magyars, Illyriens, qui ont tant besoin d’elle, car sans elle ils tomberaient en poussière, la monarchie des Habsbourg a devant elle une destinée glorieuse. Qui sait s’il ne lui sera pas donné de réparer ses pertes tout en servant les intérêts de l’Europe ? La puissance que nous appelons l’Autriche se nomme en réalité l’empire de l’est.

Si ce tableau est exact, si j’ai fidèlement résumé les mouvemens de l’esprit public en Allemagne, et je crois l’avoir fait en toute impartialité, j’ai à peine besoin de répéter cette question : de quel droit la France de 89 se serait-elle opposée aux événemens qui viennent de s’accomplir ? Ce que la Prusse est en train de faire avec une rapidité foudroyante, la France l’a fait pendant des siècles, sous toutes les formes, à travers tous les régimes. La France agissait au nom