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avait appelé à son aide ce hardi personnage, abdiquait en faveur de son neveu François-Joseph. Il est évident que le prince de Schwarzenberg avait présidé à ce changement de règne ; on reconnaît bien là son esprit net, pratique, résolu, prompt au conseil, aussi prompt à l’action. C’était lui, comment en douter ? qui avait persuadé au vieil empereur que des mains plus jeunes, plus libres, pouvaient seules toucher à ces grandes affaires, qu’une souveraineté nouvelle serait mieux à l’aise pour opérer les transformations inévitables, que nul souvenir, nul engagement ne l’empêcherait de satisfaire aux exigences de la situation. Dès lors la lutte commence et contre le parlement de Francfort et contre le cabinet de Berlin. Au mois de janvier 1849, tandis que le parlement se prépare à la seconde lecture de la constitution, et quand il n’est plus douteux que, l’assemblée offrira la couronne impériale à la Prusse, le prince de Schwarzenberg déclare que cet empire est impossible. Il fait appel à tous les intérêts particuliers, à toutes les traditions locales, à toutes les antipathies secrètes dont les unitaires demandaient le sacrifice au nom de la mère-patrie ; c’est l’esprit de division, de morcellement, c’est l’esprit féodal qui se dresse avec autant d’habileté que de vigueur en face de l’esprit moderne et de l’instinct national. En même temps, pour dédommager les imaginations allemandes, pour satisfaire ce besoin d’action et de puissance extérieure qui se confond chez un grand nombre avec le désir de l’unité, il fait briller aux yeux de l’Allemagne l’idée d’une fédération immense. « Dans le plan de l’Allemagne tel que le proposerait le gouvernement de sa majesté impériale, — ainsi s’exprime la note du 4 février 1849, — il y a place et pour tous les états allemands et pour toutes leurs possessions non allemandes. Le gouvernement de sa majesté ne craint pas que l’union plus intime de l’Allemagne et des possessions non allemandes de l’empire d’Autriche soit pour la patrie une cause de divisions et de luttes entretenues par l’esprit de race ; il y voit au contraire d’un côté et de l’autre une source d’inappréciables bienfaits. » En d’autres termes, la Hongrie, la Bohême, la Galicie, la Croatie, la Transylvanie, le Banat, le grand-duché de Posen, une partie du Danemark et de la Hollande, une partie de l’Italie, devaient former une agglomération formidable au cœur de l’Europe. Le prince de Schwarzenberg comprenait bien que les principes nouveaux, si favorables à la Prusse, ne pouvaient que rejeter l’Autriche hors de la communauté allemande, ou du moins l’y réduire à une position secondaire ; le seul moyen pour elle de reprendre son ancien rang, c’était d’introduire dans la fédération projetée ses Slaves, ses Magyars, ses Tchèques, ses Croates, et ceux qu’elle appelait ses Italiens. Avec ce mépris des peuples, qui était le fond de