Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/938

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir, tandis que le roi prend sa revanche des événemens de mars, met Berlin en état de siège, transfère les chambres à Brandebourg et finit par les dissoudre, le parlement de Francfort persiste à faire de Frédéric-Guillaume le représentant de l’unité nationale. Après l’avoir humilié à Berlin, la révolution prussienne l’appelait le roi allemand, quand il a repris son épée et vengé sa couronne, quand il est suspect aux libéraux, haï des démocrates, et soutenu seulement par une aristocratie impopulaire, la révolution allemande lui offre l’empire d’Allemagne.

Il y a quelques mois, avant que la guerre eût éclaté, on fut surpris de voir M. de Bismark proposer un système d’organisation fédérale qui excluait l’Autriche des cadres de la future Allemagne. Ce système était à l’ordre du jour depuis bien des années, et il avait été en 1848 l’objet d’une discussion solennelle. C’est l’Allemagne elle-même qui avait prononcé l’exclusion de l’Autriche après un débat où toutes les opinions furent entendues, tous les argumens développés de part et d’autre. Au moment du vote décisif, plus d’un cœur avait saigné. Rejeter hors de la communauté germanique la puissance qui en avait eu si longtemps la direction, l’état qui depuis tant de siècles personnifiait l’empire, n’était-ce pas une nécessité cruelle ? On crut pourtant que c’était une nécessité impérieuse. Parmi les acteurs de ces grandes scènes se trouvait le vieux poète des guerres de 1813, celui qui avait chanté les strophes célèbres : « Quelle est la patrie de l’Allemand ? Est-ce la Souabe ? est-ce la Saxe ? est-ce la Prusse ? est-ce l’Autriche ? Non, la patrie de l’Allemand, c’est toute la terre allemande. » Lorsque M. Maurice Arndt, appelé à émettre son vote, vota l’exclusion de l’Autriche, un des députés autrichiens lui cria ces mots : Was ist des Deutschen Vaterland ? et le vieux chantre du patriotisme retomba évanoui sur son banc. J’ai raconté ici même le détail de ces discussions mémorables ; qu’il suffise aujourd’hui d’en rappeler le résultat. Au mois d’octobre 1848, le parlement de Francfort, cette grande assemblée réunie comme une constituante pour fonder l’unité de l’Allemagne, discutait la loi de l’empire préparée par une commission qui siégeait depuis cinq mois. Ce parlement était l’expression fidèle de tous les états et de tous les partis entre lesquels était divisée la société germanique. Or 340 voix contre 76 ne craignirent pas de voter deux articles qui eussent obligé l’Autriche à se séparer de l’union allemande. Quelques mois plus tard, après de longues luttes sur les droits du futur empereur, on procédait à l’élection, et le président, M. Simson, en proclamait le résultat en ces termes : « Les 290 votes qui ont été émis se sont réunis sur le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV ; 248 députés ont cru devoir s’abstenir. Donc