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restait comme gage entre nos mains jusqu’à l’entière et définitive pacification de tout le pays.

Ce qu’avait coûté ce traité à l’intraitable orgueil de la cour de Hué, on le devine. Il était donc naturel de supposer que, tout en le subissant ostensiblement, elle ne négligerait aucun moyen de le combattre par les sourdes menées qui lui sont familières, et l’on ne tarda pas en effet à s’apercevoir à divers symptômes que la population indigène était activement travaillée par les agens secrets de Tu-Duk. A proprement parler, jamais ces mouvemens insurrectionnels n’avaient cessé d’agiter successivement les provinces que nous occupions ; l’ennemi espérait évidemment, en faisant ainsi le vide autour de nous, nous rendre le pays inhabitable et nous dégoûter de notre conquête. Les villages étaient continuellement pillés et incendiés par des bandes insaisissables ; la circulation du fleuve et des arroyos n’était possible que pour les embarcations armées, et toutes les autres devenaient la proie des nuées de pirates qui infestaient ces cours d’eau. Pendant toute l’année 1861, la province de Mytho, malgré la prise de la capitale, avait été ravagée de la sorte par le lépreux Phu-Kao, qui ne put être pris et exécuté qu’au commencement de 1862. De plus, en décembre 1861, une attaque générale de nos postes avait été combinée entre les chefs, et n’échoua que grâce à l’énergie de nos officiers. L’audace de ces bandes avait même été jusqu’à faire, le 6 avril 1862, une démonstration sur la ville chinoise de Cholen à cinq kilomètres.de Saigon. Enfin une nouvelle prise d’armes fut organisée dans le plus profond secret, et elle éclata d’une extrémité à l’autre du territoire, dans la nuit du 17 au 18 décembre 1862, avec un ensemble remarquable, bien supérieur à celui du mouvement analogue exécuté à la même époque l’année précédente. Tous nos postes isolés, et nos bâtimens de flottille disséminés dans les arroyos furent attaqués en même temps avec une animation poussée jusqu’à l’acharnement, mais partout nos petites garnisons surent résister victorieusement. Au poste de Tong-nieu, 50 hommes luttèrent corps à corps contre 1,200 Annamites, qui durent se retirer en laissant 217 cadavres. Le fort du Rach-tra, escaladé par surprise, eût été pris sans le dévouement de son chef, le capitaine Thouroude, qui se porta seul au-devant de l’ennemi et se fit tuer comme un nouveau d’Assas. Un autre poste des environs de Bien-hoa eût également été fort compromis sans la singulière inadvertance des rebelles, qui oublièrent de couper les fils télégraphiques dont probablement ils ignoraient encore l’usage, de sorte que, tout en repoussant l’assaut, nos hommes demandaient à Bien-hoa un secours qui les sauva. Deux mille Annamites tués ou blessés nous restèrent entre les mains ; Ru-Duk en était partout pour sa