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SOUVENIRS
D'UNE CAMPAGNE
DANS L'EXTREME ORIENT

III.
LES DEBUTS D'UNE COLONIE.


I

Il faut avoir lu dans nos vieux auteurs ce qu’était la colonisation aux époques de découvertes et dans les années qui suivirent, pour se faire une idée de ce que nous devons aux progrès de notre XIXe siècle. Jadis, lorsqu’un navire avait jeté sur une plage inconnue la petite bande de hardis compagnons qui venait y chercher fortune, nul d’entre eux ne savait combien de temps s’écoulerait avant qu’il pût renouer le fil qui le rattacherait à la mère-patrie. Le fort solidement palissadé que l’on se hâtait de construire était la seule habitation possible, hors de laquelle on ne s’aventurait que le mousquet sur l’épaule pour aller défricher l’épais hallier où rôdait le sauvage. Nul médecin n’était là pour combattre les foudroyantes atteintes d’un climat dévorant ; les plus simples détails de la vie matérielle devenaient des obstacles, et quand le fléau de la disette s’abattait sur ces populations naissantes, ce qui n’arrivait que trop souvent malgré la fertilité du sol, il les trouvait désarmées. Les voyages étaient peu fréquens alors, et de longues séries de mois s’écoulaient sans qu’aucun bâtiment apportât aux exilés des