Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/847

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a depuis longtemps l’idée d’établir une semblable vedette du temps à Portsmouth et à Devonport, la ville maritime de Plymouth. En attendant, des boules automatiques construites d’après la même méthode et mues par la même influence s’abaissent à une heure précise de l’après-midi dans le Strand, dans Cornhill et à Liverpool. A Newcastle et à Shields, toujours en vertu de pouvoirs magnétiques délégués par l’horloge-mère, l’observatoire de Greenwich fait partir un canon. Au moment de la détonation, un train de wagons s’élance du chemin de fer.

Dans ce siècle des affaires, de la vapeur et du mouvement, chez un peuple qui a pris pour devise time is money, il est facile de saisir l’importance qu’on attache à la diffusion correcte de l’heure. Quand l’astronomie positivé avait déjà contracté tant de liens avec la marine, elle ne pouvait non plus rester étrangère aux intérêts de la vie publique. Et pourtant les sonneries des horloges ont longtemps présenté en Angleterre une image de la confusion des langues. La tour de Babel semblait s’être changée en une multitude de vieux clochers dont les voix ne s’entendaient nullement entre elles. Aujourd’hui même je n’affirmerais point qu’il ne se trouve encore dans les anciennes villes des partisans de l’heure locale, lesquels voient s’introduire d’un œil jaloux et inquiet le système de l’unité de temps. Quoi qu’il en soit, cette innovation a déjà en grande partie triomphé grâce aux chemins de fer ; or ce qu’on nomme l’heure des chemins de fer dans la Grande-Bretagne est tout simplement l’heure de Greenwich. De seconde en seconde par exemple, l’horloge-mère de l’observatoire envoie à London-Bridge un courant électrique chargé d’animer et de régler les organes d’une autre horloge appartenant à la société du South-Eastern railway. Après ou avant les chemins de fer, une branche du service public qui devait surtout appeler la sollicitude de l’astronome royal est l’hôtel des postes dans Saint-Martin-le-Grand. Là aussi les heures marchent en quelque sorte conduites par un fil qui vient de Greenwich. Quatre horloges identifiées à celles de l’observatoire règlent à leur tour par des courans locaux un groupe d’autres sœurs, et trente d’entre elles se trouvent ainsi en harmonie plus ou moins parfaite les unes avec les autres. C’est un des plus beaux mécanismes qui existent. D’heure en heure, l’observatoire adresse en outre des signaux au bureau du télégraphe électrique et international dans Lothbury (electric and international telegraph), d’où, par un réseau de fils galvaniques, la connaissance du temps est ensuite distribuée le long des lignes de fer presque jusqu’aux extrémités de la Grande-Bretagne. Cette vaste harpe éolienne qui couvre de ses cordes presque toute la surface des îles, vibre ainsi à l’unisson d’un seul moteur. Quelques-uns de ces signaux, après avoir passé par divers détours, arrivent jusque dans