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Un commis, clerk, qui remplit les fonctions de surintendant de l’heure, est assis devant son bureau dans la chambre des calculs, computing-room, située au rez-de-chaussée, près du cabinet de l’astronome royal. Il a en face de lui deux petites horloges de la grosseur d’un chronomètre marin qu’il examine attentivement. L’une représente l’horloge du passage des astres au méridien de Greenwich, transit-clock, l’autre reproduit en miniature celle que nous venons de visiter, motor-clock, l’horloge motrice. La première indique l’heure du jour sidéral, et la seconde celle du jour solaire. Ne faut-il point d’abord expliquer en quoi consistent ces deux systèmes ? Le jour sidéral a quatre minutes de moins que le jour solaire ; c’est dans le cours d’une année une différence de vingt-quatre heures, et il faut naturellement un calcul pour convertir cette mesure du temps en celle qui est consacrée par nos usages. L’autre horloge, motor-clock, désigne au contraire les progrès du jour solaire, celui qu’ont en vue nos montres et nos pendules[1]. Qu’a maintenant à faire le commis ou surintendant de l’heure ? Il compare les résultats des deux petites horloges placées au-dessus du bureau, et dont chacune communique avec son prototype par l’entremise de fils et de courans magnétiques. La première lui donne l’heure des astres, l’heure infaillible, et lui fournit ainsi le critérium nécessaire pour corriger, s’il y a lieu, les écarts de la seconde. Au moyen du manche d’un régulateur qu’il tourne à volonté, il augmente ou diminue alors à distance la longueur du balancier de la principale horloge solaire, solar clock. Et ce n’est pas seulement le cours de cette dernière qu’il modifie de la sorte, c’est tout le système horologique de l’observatoire. Les autres indicateurs du temps se trouvent en effet placés sous la dépendance de ce moteur, dont ils suivent toutes les pulsations : ils ne font en quelque sorte que le multiplier. Parmi les horloges sympathiques de Greenwich, la seule connue du public est celle qui se rencontre dans le parc, à la porte de l’observatoire ; là s’arrêtent à presque tous les momens de la journée des Anglais gravement occupés à régler leur montre devant un cadran de bois sur lequel tournent deux grandes aiguilles animées d’une sorte de mouvement spasmodique.

  1. Les astronomes lui ont aussi donné le nom de temps moyen, mean time. Pour comprendre ce terme, qui se retrouve si souvent dans le journal des officiers de marine, il faut savoir que notre jour solaire repose lui-même sur une convention. Le soleil, décrivant autour de la terre un mouvement oblique, ne revient point tous les jours exactement à la même heure au méridien du même endroit. Qui ne voit pourtant quel inconvénient ce serait pour les affaires de la vie, si l’on comptait avec les irrégularités de cet astre ? On a donc adopté un jour de longueur uniforme fondé sur certains principes astronomiques, et c’est ce jour, sorte de moyenne entre les autres jours de l’année, qui a donné naissance à la division du temps marquée par nos chronomètres.