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le plus grand de tous ceux qui appartiennent au système solaire, ne serait-il qu’une solitude ? Les astronomes anglais ne répugnent point en général à admettre l’idée de la pluralité des mondes ; ils soutiennent seulement, et avec raison, que, si la vie réussit à se développer ailleurs, les conditions sous lesquelles on l’envisage ici-bas doivent être entièrement modifiées. Après Jupiter, une des planètes qui intéressent le plus les curieux est Saturne. Autour d’une boule légèrement couleur d’orange et intersectée, elle aussi, de bandes aplaties, se montrent deux, sinon trois anneaux éclairés comme le globe lui-même, et un autre anneau obscur ou demi-transparent. Des huit lunes qui l’accompagnent, quatre seulement sont visibles, les autres échappent plus ou moins à nos moyens d’observation ; même sans elles quel magnifique spectacle ! quelle lumineuse vision d’optique dans les champs de la nuit ! Et que penser aussi de ces étoiles, qui, considérées à l’œil nu, n’en font qu’une, mais qui, réduites par le télescope, se décomposent parfois en une centaine d’astres distincts et placés sans doute à une assez grande distance les uns des autres ? On dirait un diamant qui se brise dans l’intérieur de la lunette, et dont les fragmens s’envolent en une poussière de soleils.

Ces merveilles du firmament sont pourtant celles dont on s’occupe le moins à l’observatoire de Greenwich. L’astronome royal considérerait comme un luxe funeste tout instrument ou tout ordre de recherches accessoires qui ne se subordonnerait point entièrement au but de l’institution. Aussi tandis que la salle du transit-circle et le dôme de l’altazimuth, éclairés tous les soirs, annoncent qu’on y travaillera tour du grand équatorial reste le plus souvent sombre et déserte. On ne se sert de ce noble instrument que dans certaines occasions et pour ne négliger absolument aucune branche de l’astronomie. Quoi qu’il en soit, au moment où le great equatorial fonctionne, on entend retentir sous les doigts de l’observateur ce même bruit de tac-tac qui nous a déjà si fort intrigués dans d’autres départemens. Pour trouver l’explication de cette musique des astres, bien différente de celle que rêvait Pythagore, il nous faut descendre dans une petite salle basse s’ouvrant sous le dôme septentrional, north dome. Là figure un instrument appelé chronographic recording apparatus, et qui est en effet destiné à enregistrer le temps, ainsi que le passage des corps célestes. Ce chronographe se compose de deux parties bien distinctes, une sorte d’horloge d’une construction toute particulière et un rouleau connu sous le nom d’american barrel (tambour américain), qui tourne dans une cage de verre. L’horloge, animée d’un mouvement tout à fait uniforme, est un ouvrage de M. Dent, célèbre mécanicien anglais. Le tambour est un cylindre