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d’un mille[1]. On peut ainsi se faire une idée de la constitution physique de la lune et de l’audace de l’esprit humain, qui, non content d’explorer la terre, cherche à pénétrer les secrets des autres mondes. À l’aide de très forts télescopes, on distingue jusqu’aux différentes couches de roches composant la bouche des cavernes volcaniques. Un pas de plus dans la construction des instrumens, et les savans seront peut-être à même de faire un jour la géologie de la lune. Du reste, jusqu’ici aucune trace certaine de végétation : c’est une masse aride, une surface de pierre ponce hérissée de montagnes et entrecoupée d’abîmes, un monde mort ou un monde en train de naître. Le moment le plus favorable pour observer cet astre est celui de la pleine lune, et pourtant, lorsque son jeune croissant se détache dans le ciel mince et clair comme la faucille du moissonneur, il est aussi très curieux de le regarder au télescope. On voit alors la lune toute ronde ; mais son croissant seul est éclairé, tandis que le reste de son pâle disque s’accuse faiblement dans une sorte de pénombre[2].

Les assistans sont en outre chargés de temps en temps d’observer et même de dessiner la figure des planètes telles qu’elles apparaissent à travers le télescope. Tantôt c’est Vénus surpassant en clarté toutes les autres, et dans laquelle on découvre une atmosphère, ainsi que de très hautes montagnes. D’autres fois c’est Jupiter, accompagné de ses quatre lunes, dont la position change continuellement. Son large disque est d’une couleur jaunâtre, qui semble se fondre vers les pôles en un gris plombé. Sur le champ de cet astre s’étendent des bandes obscures ressemblant pour la forme à celles qui s’allongent quelquefois dans notre ciel par un beau soir d’été. Ces bandes, d’un brun grisâtre, se colorent de temps en temps d’une teinte rouge. D’un jour à l’autre, elles subissent quelquefois des changemens visibles, et toutes ces circonstances ont fait croire que c’étaient bien les nuages d’un autre monde. On observe en outre des taches, tantôt brillantes et tantôt obscures, dont le mouvement a fait connaître aux astronomes la rotation de cette planète d’occident en orient, et le temps qu’elle met à tourner sur son axe. On sait ainsi que pour les habitans de Jupiter (si toutefois il en existe) le jour se compose d’un peu moins de onze heures. Ces taches qui se forment et s’évanouissent paraissent être elles-mêmes d’autres nuages que le vent transporte avec vitesse dans une atmosphère très agitée. Pourquoi d’ailleurs un globe si conforme au nôtre sous le rapport de certains phénomènes météorologiques, et

  1. Je parle ici d’après le témoignage d’un des assistans de Greenwich, esprit littéraire et distingué, M. Dunkin.
  2. C’est un effet, dit-on, de la réflexion de la lumière de la terre.