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la terre, en accomplissant chaque jour son mouvement très réel de rotation, communique un mouvement apparent aux étoiles ? Quiconque a regardé dans une lunette fixe sait en effet, que les corps célestes s’y dérobent bien vite à la vue. Pour obvier à cet inconvénient, il a fallu animer l’instrument d’une action exactement conforme à celle de la mécanique planétaire, car le mouvement détruit l’effet d’un autre mouvement tout à fait semblable. Une sorte d’horloge d’eau qui se trouve dans une salle inférieure à celle du great equatorial est chargée de ce soin, et suffit à faire mouvoir le massif appareil. Un seul fait montrera du reste avec quel succès elle s’acquitte de ses délicates fonctions. Une nuit le télescope avait été abandonné au moment où Jupiter se montrait près du fil central ; l’assistant, appelé ailleurs par d’autres travaux, revint au bout de plus d’une heure et retrouva la planète juste au point où il l’avait laissée. L’instrument obstiné n’avait point lâché sa proie.

On se sert du grand équatorial pour examiner les astres, les éclipses du soleil, les comètes et beaucoup d’autres phénomènes célestes. Seul ce télescope peut satisfaire notre juste curiosité en ce qui touche la forme visible des mondes roulant au-dessus de nos têtes. S’agit-il par exemple de la lune, qui nous intéresse davantage parce qu’elle est la plus rapprochée de notre globe terrestre : sa surface inégale et rugueuse apparaît dans l’instrument marquée de plaques et de traînées luisantes entrecoupées de taches noires. Ces parties éclairées, on a tout lieu de le croire, sont les sommets de très hautes montagnes touchées par les rayons du soleil. Les taches noires sont au contraire les ombres que projettent les masses de ces Alpes et de ces Andes lunaires. Dans les bandes obscures brillent pourtant encore par intervalles des points lumineux. On a cherché à expliquer ces alternatives d’ombre et de clarté par ce qui se passe sur notre sphère. Quel voyageur ayant parcouru le pays de Galles ou l’Ecosse n’a observé autour de lui de semblables effets ? Le soir, au moment où les vallées et la base des montagnes s’ensevelissent déjà dans l’obscurité, la lumière du soleil à son déclin ne continue-t-elle point de s’accrocher aux angles et aux crêtes des pics se dressant à l’envi les uns des autres de distance en distance ? La lune a des montagnes ; elle a aussi des volcans qu’on distingue à leur forme annulaire. Ces derniers sont si reconnaissantes qu’on leur a donné des noms ; les astronomes ont fait mieux encore, ils les ont mesurés. Voici par exemple le cratère éteint de Tycho : il a, m’assure-t-on, quarante-sept milles d’ouverture. Les escarpemens, les contre-forts et les chaînes extérieures qui l’entourent s’élèvent de trois milles au-dessus de la plaine renfermée dans cette enceinte dentelée de collines, et où se dresse encore un rempart central haut de plus