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plus scrupuleuse attention. C’est d’abord la lune et quelques étoiles qui se trouvent dans le voisinage de cet astre, viennent ensuite les planètes dans un ordre qui change d’ailleurs selon les jours de l’année, puis certaines étoiles fixes qui ne sont point étrangères à l’art de la navigation, ni à la division du temps. Ces corps célestes ont du moins l’avantage d’être aisément visibles ; mais il n’en est plus du tout de même quand il s’agit de nombreux astéroïdes qui tournent autour du soleil dans des orbites situées entre celles de Mars et de Jupiter. Ces pygmées du système solaire sont souvent si difficiles à apercevoir, même à l’aide des meilleurs télescopes, que plusieurs minutes avant leur passage l’observateur est obligé d’abaisser dans la salle la lumière des becs de gaz. Eh bien ! malgré toutes les précautions, ces points d’une clarté douteuse échappent encore de temps en temps à la vue, armée des instrumens les plus puissans. Tel est le caractère pénible et minutieux de ces recherches que l’observatoire de Greenwich s’est entendu dernièrement avec celui de Paris pour se partager le travail. De la nouvelle lune à la pleine lune, toutes les petites planètes sont inspectées à Greenwich, et de la pleine lune à la nouvelle lune elles sont surveillées à Paris. Les éphémérides sont ensuite communiquées par M. Airy à M. Leverrier, et réciproquement. Cet échange de services a un peu allégé le fardeau des astronomes dans l’un et l’autre pays, et pourtant leur tâche est dure : il leur faut quelquefois guetter les voûtes constellées durant dix et onze heures de suite par les plus belles nuits d’hiver. Ces belles nuits sont glacées ; le ciel, transparent comme une tombe de cristal, est ouvert au-dessus de la tête de l’observateur ; toute cette lumière sidérale éclaire, mais ne réchauffe nullement. Et de quoi servirait d’allumer du feu en plein air ? Entré à la brune par une des portes du parc, dont il a la clé, l’assistant sort heureux et transi avant que le lever du soleil ait effacé les autres astres dans la clarté du jour.

Quel est pourtant l’objet de ces observations ? C’est de déterminer à un moment donné la position exacte dans le ciel des planètes et des principales étoiles visibles sous le degré de latitude de Greenwich. Ces indications certaines fournissent ainsi le moyen de rectifier les erreurs qui ont pu se glisser dans d’autres travaux anciens ou modernes ; elles préparent en même temps les matériaux nécessaires pour la publication de l’Almanach nautique (Nautical Almanach). Ce guide astronomique des navigateurs est imprimé trois ou quatre ans d’avance pour le bénéfice de ceux qui entreprennent de longs voyages en mer. Le volume pour 1868 avait déjà paru en 1865[1]. On y prédit jour par jour les places de la lune et des

  1. Depuis 1862, les tables lunaires de cet almanach sont rédigées d’après le système de Hansen, célèbre professeur de Gotha, qui a interprété par de puissans calculs mathématiques la masse des faits recueillis à l’observatoire de Greenwich.