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excellent qu’il soit et quoique solidement fixé à des murs de pierre enfoncés dans le sol, il subit quelquefois de légères vibrations qui ne peuvent être attribuées qu’au terrain sur lequel il est construit[1]. Si l’on réfléchit maintenant à ce que de telles recherches exigent de soins et de calculs pour rectifier les moindres inexactitudes et pour analyser les moindres parcelles du temps, on comprendra sans peine comment cette branche pratique de l’astronomie ne puisse être cultivée que dans un établissement de l’état et même à certains égards dans un seul observatoire au monde.

En face du télescope et dans la même salle où s’élève le grand transit-circle figure une horloge qui mérite bien d’appeler notre attention, et qui est réglée tous les jours par les observations des astres au moment de leur passage derrière les fils de l’instrument. C’est elle qui mesure le temps en souveraine dans l’institution de Greenwich. Gardons-nous pourtant bien de la consulter si nous voulons mettre notre montre à l’heure : quoique recevant ses inspirations du ciel, elle nous tromperait. Ce qu’elle indique est l’heure sidérale et non l’heure solaire : or entre l’une et l’autre il y a souvent une différence de plusieurs minutes. Cette horloge sert en même temps à guider l’observateur chargé de noter le transit des corps célestes. Une des facultés qui étonnent le plus chez certains astronomes est la mesure automatique du temps. Avant de coller son œil au télescope, l’assistant regarde le cadran de l’horloge, transit-clock, et prête un instant l’oreille pour bien saisir les pulsations des secondes. Après s’être ainsi monté lui-même à ce diapason, il continue de marquer par une sorte de mouvement intérieur les plus minimes fractions de l’heure qui se succèdent. A partir de ce moment, c’est lui qui est l’horloge vivante. Encore faut-il que l’observateur se garde bien de prêter toute son attention à cette mesure du temps ; n’a-t-il point besoin de la meilleure partie de ses forces pour noter et disséquer les phénomènes du passage des astres ? Comme son regard et son esprit se trouvent occupés par ces autres objets, il doit en quelque sorte compter les secondes et même les divisions de secondes par une sorte d’instinct mécanique, et non du tout par un acte de la réflexion. Cette faculté est acquise, et chez quelques-uns se développe même assez vite par l’exercice ; mais, si l’on n’en possède point le germe, on ne saurait jamais faire un astronome pratique.

L’observateur qui travaille pendant la nuit au transit-circle est souvent chargé de reconnaître dans le ciel des objets réclamant la

  1. Le même phénomène avait été observé à Cambridge par M. Airy, d’où il conclut « que la surface de la terre, regardée comme la base de toute solidité, est elle-même en mouvement. »