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d’éminens services à l’esprit humain, témoin ce grand secteur, zénith sector, qui fut construit en 1727 par Graham, fameux horloger anglais, et à l’aide duquel Bradley reconnut l’aberration des étoiles. Presque tous ces cercles de bois, dont les rayons convergeant vers un centre rappellent à première vue la figure vulgaire d’une roue de carrosse, ont après tout des titres à notre respect et à notre reconnaissance en raison des hautes découvertes qui s’y rattachent. De tels ustensiles abandonnés n’inspirent-ils point d’ailleurs une pensée mélancolique ? Le moderne outillage qui leur a succédé serait-il destiné à partager le même sort ? Ne viendra-t-il point un jour où ces mêmes conquêtes de l’astronome et du machiniste, qui s’étalent maintenant avec un juste orgueil dans les salles de l’observatoire, remplacées à leur tour par des instrumens encore plus parfaits, iront rejoindre sur les murs les autres trophées du temps ? C’est l’histoire de la science, qui avance comme la nature par une série de créations se dévorant les unes les autres.

Les astronomes de Greenwich considèrent leur présent transit-circle comme le prototype le plus parfait qui existe dans le monde. Les autres instrumens du même genre qu’on rencontre dans d’autres observatoires, par exemple au cap de Bonne-Espérance et à Cadix, ne sont que des copies de ce modèle ; il est vrai que, comme il arrive souvent en pareil cas, les enfans ont profité des erreurs et de l’expérience de leur père[1]. Pour quiconque est étranger à l’astronomie, une telle machine scientifique présente à première vue plus d’une énigme ; mais qui ne serait frappé de la grandeur de l’ouvrage dans lequel on reconnaît tout de suite les principaux traits du caractère anglais, la précision et la force ? Ce transit-circle est, comme l’indique son nom, une combinaison de deux instrumens depuis longtemps en usage à l’observatoire de Greenwich, — l’un qui fait reconnaître les astres dans leur passage au méridien et l’autre appelé cercle mural, qui mesure la distance angulaire de ces mêmes astres à l’état de déclinaison. Pour répondre au premier objet, c’est-à-dire à l’observation des corps célestes, s’élève un vaste télescope ressemblant à un lourd canon monté sur un affût de pierre. Long de douze pieds anglais, il est construit en fonte et composé de quatre grosses pièces coulées séparément, mais très solidement rejointes les unes aux autres. Son objectif, dont l’ouverture semblable à un œil de cyclope mesure plus de huit pouces de diamètre, n’est point doué d’un très grand pouvoir de grossissement. Dans d’autres cas, ce serait un défaut ; mais il faut savoir

  1. Le perfectionnement introduit plus tard dans les télescopes imités de celui de Greenwich est la perforation du tube central.