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secondaires, et qui invoque une inspiration providentielle en faveur de ce mouvement. La promulgation d’une telle loi serait un acte bien hardi de la part d’une chancellerie d’état. Que de tendances naturelles et quels droits positifs on supprimerait ainsi d’un seul mot ! Quelle vaste théorie pour, expliquer les laborieux accroissemens de la Prusse ! Quelle sanction imprudente donnée aux convoitises et aux entreprises des forts au détriment des faibles ! Le danger de ces considérations générales de la circulaire est parfois dans une pensée qui manque des développemens et des restrictions nécessaires, parfois dans des expressions qui peuvent paraître déplacées aux esprits libéraux. Pourquoi par exemple dire que le rôle de la France est de cimenter raccord entre toutes les puissances qui veulent à la fois maintenir le principe d’autorité et favoriser le progrès ? Pourquoi ajouter que cette alliance enlèvera à la révolution le prestige du patronage dont elle prétend couvrir la cause de la liberté des peuples ? Quelle vertu trouve-t-on dans ce vieux mot mystique de principe d’autorité ? L’idée et le mot moderne, c’est l’autorité de la loi, de la loi émanée de la liberté des peuples. Par quelle méprise, le mot de révolution est-il employé en un sens défavorable dans un document français ? C’est une tactique des adversaires de la liberté en France, pour condamner la régénération sociale et politique dont nous sommes redevables à la révolution, d’appliquer le terme de révolutionnaires à l’esprit de violence qui place la force au-dessus du droit et qui justifie les moyens par la fin. Les hommes d’état français ne devraient jamais se laisser prendre au piège de cette confusion de langage. Nous ne devrions jamais accepter et employer le mot de révolution qu’au sens glorieux ; ce mot ne devrait éveiller en nous d’autre pensée que le souvenir reconnaissant et fier du grand acte de l’affranchissement de la démocratie française. Nous devrions imiter les Anglais et les Américains, qui ne parlent jamais de leur révolution qu’avec orgueil. D’ailleurs l’occasion n’est point heureuse d’opposer l’esprit d’autorité au prestige de la révolution. Le principe d’autorité est représenté dans la circonstance par le roi de Prusse ; or ce monarque fait sous nos yeux l’application la plus audacieuse de ces procédés extra-légaux et violens qu’on appelle en mauvaise part les moyens révolutionnaires. Il n’y a pas à l’heure qu’il est, il n’y a pas eu depuis des siècles de plus grand révolutionnaire dans le monde que le bon roi Guillaume. Jamais on n’a vu dans l’ancien droit européen des souverains, même après les guerres les plus acharnées, détrôner les souverains ennemis. Le roi de Prusse démolit sans scrupule tous les trônes qui font obstacle à la mission de la Prusse. Le spectacle qu’il nous donne n’est point fait pour scandaliser ceux qui ont une foi médiocre dans l’avenir de l’institution monarchique en Europe : on pose là le principe d’un talion que l’avenir exécutera peut-être ; mais les dévots du principe d’autorité choisissent mal le moment et l’exemple pour proclamer l’amoindrissement du prestige révolutionnaire.

Une autre considération générale émise dans la circulaire présenterait