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« Quand la cigale sonore aux ailes noires, posée sur un rameau vert, commence à chanter aux hommes la saison brûlante, la cigale qui boit et mange la féconde rosée et qui dès l’aurore et tout le jour fait entendre sa voix durant les fortes chaleurs, lorsque Sirius dessèche la peau des hommes,…………. alors le fils de Zeus, Iolaos, gourmande violemment ses chevaux ; à sa voix, ils emportent précipitamment le char rapide et soulèvent la poussière de la plaine. La terre gémissait sous eux. Les rivaux aussi s’avancèrent pareils au feu et à l’ouragan. Les chevaux en s’abordant poussaient les uns aux autres des hennissemens aigus dont le son se brisait alentour. »


Les ennemis se provoquent, mettent pied à terre, se jettent l’un sur l’autre comme des rochers qui roulent des montagnes. La lance de Cycnos ne peut percer le bouclier d’airain ; mais celle d’Héraclès atteint Cycnos à la gorge et le jette à terre privé de vie. — Voici quelques traits d’un hymne du Vêda pris entre beaucoup d’autres :


« Indra a pris son carquois et ses flèches… Tu as frappé de ton arme le brigand chargé de butin. Çushna osait lutter contre les dieux. Indra, du haut des airs, à la face du ciel et de la terre, monté sur ton char, ferme et terrible, tu as soufflé sur ce misérable… Il a touché de sa foudre ces nuages qui du ciel n’arrivaient pas jusqu’à la terre et qui de leurs voiles magiques semblaient envelopper le brigand riche de ces dépouilles. De son trait lumineux, il a fait jaillir le lait des vaches célestes. Les eaux coulaient au gré de nos souhaits. Indra durant plusieurs jours a détruit l’espoir du brigand ; il a brisé la porte de sa caverne où il tenait les eaux renfermées ; il a brisé ses châteaux aériens. Il a déchiré Çushna, et à la vue de son rival terrassé il a livré son âme à la joie. »


Je citerais volontiers encore la légende arcadienne de Styx. J’ai vu cette source qui des monts neigeux de Nonacris tombe en une longue cascade au fond d’une gorge stérile, formant un ruban d’eau qui coule toujours, s’évapore dans sa chute, et, n’arrivant pas jusqu’à terre, flotte dans les airs sans troubler le silence de la solitude ; j’ai vu le ruisseau blanchâtre et méphitique qui coule au fond de la vallée et le rivage où il se jette à la mer, dans les eaux de laquelle il s’enfonce sans s’y mêler.


« Là, dit l’auteur de la Théogonie, demeure une déesse en horreur aux immortels, la redoutable Styx, fille aînée du mouvant Océan. Loin des dieux, elle habite une demeure éclatante que surmontent d’immenses rochers et que soutiennent dans le haut des airs mille colonnes d’argent. Une eau froide découle d’une roche éclairée du soleil et très haute. L’onde sacrée de cette source océanienne se perd en grande partie dans la nuit sous la terre ; la dixième partie s’évanouit, les neuf autres roulent en flots argentés sur le sol et sur le dos immense de la mer. Quant à elle, elle s’épanche dans la solitude des rochers. »