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l’occasion de Pindare, un des maîtres les plus illustres de la chaire française poursuivre encore cette chimère. Une partie de la vie d’Otfried, Muller fut consacrée à réfuter ces opinions et à montrer qu’aucune analyse vraiment scientifique ne les appuyait. Quand il mourut, sa critique, complétant celle de Winckelmann, avait défriché le sol et aplani le terrain ; mais Muller, qui ne connaissait pas assez l’Orient parce que l’Orient primitif n’était pas encore découvert, ne put substituer à des théories surannées que sa doctrine trop absolue de l’originalité hellénique. Cette doctrine s’enseigne aujourd’hui dans presque toute l’Allemagne ; elle a pénétré en Angleterre, pour qui Muller avait écrit son histoire et pour qui M. Donaldson[1] la continua, puis en Italie avec les traductions de MM. Rusconi, Capellina et Ferrai[2]. C’est elle que, vingt-cinq ans après la mort de l’auteur, M. Hillebrand nous offre aujourd’hui sous une forme française avec une intéressante étude sur Otfried Muller et son école. On ne peut que féliciter le traducteur d’avoir voulu étendre jusque chez nous l’influence du professeur de Gœttingue, son compatriote ; nous souhaiterions qu’il publiât de même en notre langue non-seulement d’autres écrits de Muller, ses Minyens, ses Doriens, ses Étrusques, mais aussi les principaux ouvrages de son école, ceux par exemple de M. Curtius qui a succédé à Muller dans sa propre chaire. Goethe disait que le Français se distingue à son ignorance de la géographie et des langues étrangères : on aime à croire que cette formule serait un peu exagérée aujourd’hui ; nous lisons cependant toujours mieux un livre écrit dans notre langue et nous en faisons plus volontiers notre manuel. Si les ouvrages d’Otfried Muller avaient été traduits en français il y a vingt ans, nos professeurs en auraient ressenti l’influence, comme nos artistes ont éprouvé celle de son Archéologie de l’art à travers la traduction imparfaite qu’on leur en a donnée ; notre enseignement classique, sans perdre la pureté du goût ni la recherche de l’élégance, eût acquis certainement plus de solidité qu’il n’en a, et notre enseignement supérieur, plus libre dans ses allures, moins enfermé dans son orthodoxie stérile, eût revêtu ce caractère scientifique qui répond aux besoins du temps et que l’Allemagne a su donner au sien. Ces avantages, nous n’en avons pas joui, et le livre d’Otfried Muller nous arrive en français à une époque où l’influence qu’il a eue en Allemagne va céder la place à une autre, et où les théories qu’il contient sont déjà en partie abandonnées.

Dans ce livre en effet, toute la partie des origines est à refaire et

  1. History of the Litteratura of ancient Greece, transl, by Cornwal Lewis, contin. by Donaldson ; 1856-1858.
  2. Storia della Litteratura della Grecia antica, continuata dal prof. Capellina, Torino 1858.