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les Anglais manifestent le désir de se procurer une voie de correspondance avec l’Inde qui soit moins sujette à des retards que la ligne actuelle. Le tracé de cette nouvelle voie est même indiqué. Elle traverserait la France et l’Italie, et serait sous-marine entre la Sicile, Malte et Alexandrie, où il y a déjà des câbles qui seraient doublés pour plus de sécurité. D’Alexandrie, il serait aisé de rejoindre Diarbekir et la Mésopotamie par les côtes de la Palestine et de la Syrie, ou de rétablir l’ancienne ligne sous-marine de la Mer-Rouge et de l’Océan-Indien par Suakim, Aden et la côte méridionale de l’Arabie. On pourrait facilement, dans l’état de la science, éviter les mésaventures que rencontra en 1860 et 1861 une entreprise du même genre. Entre l’Angleterre et l’Inde anglaise, on n’aurait donc plus affaire qu’à deux nations étrangères, la France et l’Italie, chez lesquelles la transmission des dépêches à grande distance est régulièrement organisée. Donc plus de retards considérables.

D’autres propositions ont été faites au gouvernement anglais pour réunir au moyen de câbles sous-marins toutes les colonies florissantes qu’il possède à l’est de Calcutta. Le réseau télégraphique indien s’étend jusqu’à Rangoon, dans la province de Pégu, et il a même pris beaucoup d’extension en cette province éloignée à cause de la pénurie des correspondances postales. Les lignes projetées iraient de Rangoon à Singapore par Tavoy et Penang, de Singapore à Hong-kong par Saïgon, — ce qui intéresserait le gouvernement français, — ou par Sarawak, Labuan et Manille, — ce qui tournerait à l’avantage des possessions espagnoles, enfin de Singapore en Australie par Batavia et Cepang. Toutes les mers qu’il s’agit de traverser ont une faible profondeur. Entre Java et la côte de l’Australie seulement, il se trouve, dit-on, une gorge volcanique où le plomb de sonde descend à 1,800 mètres. Ce ne serait après tout qu’un mince obstacle en comparaison de ce qui a été fait ailleurs.

Mais c’est, à n’en pas douter, vers la traversée de l’Océan-Atlantique que vont d’abord se tourner les efforts des ingénieurs et des compagnies financières. Le succès du Great-Eastern va susciter des rivaux à l’ancienne compagnie. Celle-ci n’a pas à craindre la concurrence dans les eaux qu’elle a parcourues, puisqu’il lui a été accordé un monopole d’atterrissement sur toutes les côtes qui avoisinent Terre-Neuve. Elle tient même en échec, par ce regrettable privilège, la ligne d’exécution plus facile qui prendrait des points d’appui intermédiaires en Islande et au Groenland. On étudiera l’Atlantique d’un pôle à l’autre, afin d’apprendre à quelle latitude il est le plus aisé de le franchir. Il suffit que les actionnaires qui ont eu confiance une première fois en l’avenir de la télégraphie océanique aient fait en définitive une bonne affaire. L’argent ne manquera pas à de nouvelles entreprises. Les intérêts du