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l’usage même que l’on en fait. Durera-t-il deux mois, un an, dix ans ? Nul ne saurait le prédire. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que jusqu’à ce jour aucun câble de longueur un peu considérable n’a pu être conservé pendant plus de deux ans en bon état. Rien ne prouve assurément qu’il en sera de même à l’avenir, car les échecs précédens ont porté leurs fruits. Ils ont montré aux hommes éclairés qui s’occupent de télégraphie sous-marine quelles précautions il importe de prendre et quels accidens il faut éviter.

C’est en prévision de ces fatales interruptions qui menacent tôt ou tard l’existence d’un câble sous-marin que des ingénieurs prudens émirent l’idée qu’il n’y avait d’avenir pour la télégraphie océanique qu’autant qu’elle ne franchirait que des mers à faible profondeur d’eau, et qu’elle ferait usage de câbles très volumineux el très résistans. C’est d’après ce principe que furent établies en 1861 la ligne de Malte à Alexandrie, qui ne rencontre pas de profondeur plus grande que 300 mètres sur un parcours de 2,500 kilomètres, et en 1865 celle du golfe Persique, qui sur une longueur presque égale se trouve immergée par des fonds encore moindres. L’événement a justifié ce mode de raisonner. La correspondance a été interrompue bien des fois depuis cinq ans entre Malte et l’Égypte ; mais chaque accident a été réparé après un court délai. Les câbles du golfe Persique ont éprouvé aussi quelques avaries, et la communication a toujours été rétablie sans peine. D’autre part, il ne semble nullement démontré qu’une grande hauteur d’eau au-dessus du câble soit une garantie contre ces fâcheux hasards. Il y a donc à considérer en tout cas le plus ou moins de facilité que l’on éprouverait à retrouver dans l’immensité de l’Océan les deux bouts d’un câble brisé. La ligne transatlantique est à cet égard dans les conditions les plus défavorables. Il était même permis de croire, avant l’expédition dernière du Great-Eastern, qu’une pareille entreprise offrait des difficultés insurmontables. L’opération n’est pas impossible, puisqu’elle a déjà été effectuée ; du moins elle sera toujours très délicate et surtout très coûteuse.

Il n’est pas douteux que les succès obtenus depuis deux ans ne soient de nature à donner un nouvel essor aux entreprises de télégraphie océanique. Je voudrais, pour terminer, analyser la situation