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indiquait l’endroit précis où l’œuvre du Great-Eastern devait commencer. L’escadre d’opération se composait, outre le Great-Eastern, d’un navire de guerre à vapeur, le Terrible, et de deux autres steamers à hélice, l’Albany et le Medway, chacun de 1,800 tonneaux : Ces deux derniers avaient reçu les appareils nécessaires pour concourir au relèvement de l’ancien câble. Pendant la traversée, le Terrible avait ordre de se tenir en avant pour guider la marche et écarter au besoin les navires qui couperaient la route du principal bâtiment l’Albany et le Medway devaient se tenir l’un à bâbord, l’autre à tribord, tous deux à courte distance, prêts à mouiller des bouées ou à obéir sans retard au premier signal du chef de l’expédition. La vitesse de marche ne devait jamais dépasser six nœuds. Chaque commandant était informé du point exact où le câble devait croiser les degrés de longitude, en sorte qu’on avait de nombreux points de repère pour se retrouver, si l’on était séparé par un gros temps, par le brouillard ou par une avarie. Toutes ces mesures et bien d’autres encore avaient été concertées à l’avance. Le programme dès opérations était fixé très minutieusement et, ce qui est extraordinaire, on s’en écarta très peu.

Le 13 juillet, à trois heures et demie du soir, la soudure ayant été faite entre le shore-end et le câble transatlantique, le Great-Eastern se mit en mouvement, salué par les hourrahs des équipages et les coups de canon des bâtimens convoyeurs. La route suivie se tenait à 50 kilomètres environ au sud de celle que l’on avait parcourue l’année précédente. La mer était calme, le temps beau. Le câble se soulevait sans embarras du puits où il était enroulé ; guidé par des poulies, retenu par des freins, il glissait sans secousse hors du navire et descendait avec une paisible lenteur au fond de l’Océan. Des signaux télégraphiques étaient échangés sans cesse, au moyen du câble lui-même entre la station terrestre de Valentia et les électriciens embarqués. On leur donnait l’heure de Greenwich, qui était communiquée immédiatement par des signaux de pavillon, aux autres bâtimens de l’escadre, afin que chacun pût rectifier sa longitude. On transmettait aussi par le câble les vœux que les amis restés à terre formaient pour la réussite de l’entreprise, les nouvelles les plus récentes du théâtre de la guerre, le cours à la bourse de Londres des actions des compagnies intéressées à l’opération. Un journal lithographie, le Great-Eastern telegraph, était distribué deux fois par jour aux passagers et à tous les gens de l’équipage. Tout alla bien jusqu’au 18 juillet ; ce jour-là, à cinq heures et demie du soir, la sonnerie d’alarme se fit tout à coup entendre. À ce signal, le sifflet à vapeur transmit au mécanicien l’ordre d’arrêter ; le navire stoppa sans le moindre retard, et chacun courut à son poste pour savoir quel accident venait d’arriver. Ce n’était qu’une