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et l’enveloppe extérieure en fil de fer fut protégée elle-même contre la rouille par un enduit bitumineux d’une élasticité convenable. La fabrication, commencée en février 1863, était achevée à l’automne de la même année. Le poids total de ce câble, qu’il restait à transporter dans les mers de l’Inde, n’était pas moins de 6,000 tonnes. On nolisa six gros navires à voiles et on établit à l’intérieur de chacun d’eux trois larges cuves circulaires où le câblé était enroulé par sections de cent à deux cents kilomètres. Ces cuves étaient en suite remplies d’eau en sorte que le précieux chargement put être expédié à destination sans souffrir de la chaleur ou de la sécheresse. Sur chaque bâtiment, il y avait un état-major d’électriciens avec tous les appareils propres à constater jour et nuit l’état d’isolement et de conservation de chaque fragment de câble embarqué. Ces navires partirent l’un après l’autre, à mesure qu’ils eurent reçu leur chargement. Tandis qu’ils accomplissaient leur longue traversée par le cap de Bonne-Espérance, — de Plymouth à Bombay, le plus rapide des six fut quatre-vingt-dix jours en route, — les ingénieurs prenaient la voie rapide de Suez et les allaient attendre à leur arrivée dans l’Inde.

Le gouvernement de l’Inde n’avait pas ménagé son concours à l’opération. Il y avait cinq bâtimens à vapeur à la disposition des ingénieurs ; deux d’entre eux devaient remorquer les navires à voiles, tandis que le câble serait déroulé à la mer ; un autre, le Coromandel, avait à son bord le chef de l’expédition et ses principaux adjoints ; une canonnière à faible tirant d’eau avait pour mission de faire les atterrissemens, c’est-à-dire de rattacher les bouts du câble au rivage lorsque les gros bâtimens ne pourraient approcher de terre ; enfin un bateau à hélice de 600 tonneaux, l’Amberwitch, avait été armé et équipé en vue d’un service permanent sur le parcours de la ligne projetée ; il devait faire la navette d’une station à l’autre, approvisionner les postes isolés et faire les réparations en cas d’accident. Cette escadrille était réunie à la fin de janvier 1864 devant Gwader, point de départ des opérations et première station de la ligne sous-marine. Cet endroit communiquait déjà avec l’Inde au moyen d’une ligne terrestre. C’est une petite ville du Beloutchistan, bâtie de terre et de paille sur une presqu’île sablonneuse entre deux chaînes de hautes montagnes escarpées. Elle appartient, dit-on, à l’iman de Mascate, qui y est représenté par un gouverneur arabe ; mais les chefs voisins en revendiquent aussi la propriété. Il y eut quelques difficultés à poser le shore-end, — bout de gros câble qui touche au rivage — parce que l’eau de la baie était tellement basse que les navires ne pouvaient approcher à plus de trois milles de la côte ; cependant on y parvint avec l’aide de la canonnière et des chaloupes. On se mit ensuite à filer le câble le long de la côte