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On voit que le plus grand nombre des adultes mâles de vingt à trente ans pourrait demeurer affranchi encore des obligations du service spécial de notre troisième ban. Les dispositions d’exemption indiquées pour la mobilisation dans notre loi sur les gardes nationales pourraient ici s’appliquer sur une grande échelle. D’ailleurs la facilité avec laquelle les Français acquièrent l’instruction militaire, l’exactitude avec laquelle ils la conservent, permettraient de ne prendre qu’un temps très court pour leur instruction aux hommes de la garde nationale mobilisable. L’expérience de nos soldats de la réserve est à cet égard très encourageante. L’instruction suffisante est donnée à ces soldats en cinq mois répartis sur deux années. Jusqu’à la septième année, dans les occasions où on les réunit, on voit ces hommes retenir tout ce qu’ils ont appris du maniement des armes et de la manœuvre, et, dans leurs courtes réunions annuelles, montrer les qualités et l’aplomb des bonnes troupes. Sans fatiguer la nation, en la relevant au contraire à ses propres yeux par une participation plus large et plus active aux exercices militaires et aux préparatifs de la défense nationale, on pourra donc constituer à la France une vigoureuse réservé qui la mettra à l’abri de toute agression. Cette incorporation d’une plus grande masse d’hommes dans les divers degrés du service militaire permettra même avec le temps d’apporter des soulagemens à la condition des catégories qui en supportent aujourd’hui toute la charge. Il sera possible par exemple d’abréger d’une année, de réduire de sept ans à six la durée du service dans l’armée active. Nous sommes au surplus de l’avis de M. de Sybel sur l’influence pacifique que doit avoir tout système de recrutement qui répartit sur un plus grand nombre de citoyens, les obligations du service militaire. Des armées ainsi composées tendent à s’alimenter de plus en plus, pour ainsi dire, d’esprit civil ; et le pouvoir politique n’en peut disposer qu’en ces occasions rares et solennelles où derrière une guerre apparaissent avec éclat l’intérêt national et le devoir patriotique.

Voilà un des côtés par lesquels nous pourrons tirer profit de l’expérience prussienne. Nous ne demandons pas mieux que de recevoir de la Prusse d’autres enseignemens. Nous faisons des vœux par exemple pour qu’elle excite notre émulation par le progrès de ses institutions parlementaires. Soit que la chambre prussienne soutienne des luttes heureuses contre l’excès de l’initiative monarchique, soit qu’un homme d’état contrarié par son souverain dans ses projets de grandeur nationale, comme cela peut arriver un jour à M. de Bismark lui-même, cherche dans l’appui du peuple une force qu’il n’obtiendrait plus de la faveur royale, nous assisterons avec intérêt à ces compétitions généreuses par lesquelles se formant et s’accroissent les libertés populaires. Tout ce qui va se passer en Prusse est bien fait pour attirer notre attention. Les plus petits incidens parlementaires ont leur intérêt. Nous ne parlons pas des votes prévus de la seconde chambre en faveur du bill d’indemnité et de la loi des annexions ;