Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/499

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avoir été soumise à la domination de l’Autriche, et la grande majorité des Français a salué avec une réelle sympathie l’émancipation italienne. L’oppression que subissait l’Allemagne n’a pas paru si dure ; aux yeux de l’étranger du moins, les conséquences n’ont pas apparu là aussi évidentes qu’au pied de l’Apennin. Le protestantisme avait été préservé dans toute une moitié de la nation ; le progrès de la Prusse opposait à l’ambition des Habsbourg de fortes barrières ; une importante littérature nationale s’était élevée à laquelle l’Autriche ne prenait aucune part, mais qu’elle était impuissante à étouffer. Et pourtant, si l’Autriche n’était plus assez puissante pour opérer une conquête immédiate de l’Allemagne, elle possédait assez de force encore pour empêcher son développement national et pour assurer de la sorte à ses propres tendances une influence dominatrice. L’Autriche n’a pas procédé chez nous en conquérante, comme en Italie, mais elle s’est réglée sur l’ancienne maxime divide et impera. Elle a su semer dans Berlin la défiance entre le roi et le peuple, et si, trente années durant, le parti réactionnaire a eu la haute main à la cour de Prusse, ç’a été son ouvrage. C’est elle qui a garanti à nos petits princes leur souveraine toute puissance à l’égard de leurs sujets en les affranchissant de leurs obligations nationales. De la sorte elle était sûre de leur parfaite soumission dans toutes les affaires allemandes. C’était là, à vrai dire, toute la signification pratique des traités de 1815, et vous imaginez donc aisément quels échos la parole d’Auxerre : « je déteste les traités de 1815 » a dû rencontrer sur le sol allemand. Combien de fois n’a-t-on pas entendu Français et Anglais déclarer que, pour eux, la constitution fédérale allemande était un inintelligible chaos ! Il est naturel en effet que l’inintelligent soit inintelligible. Que diriez-vous à Paris d’une constitution qui donnerait en France au marquis de Carabas ou au roi d’Yvetot le droit d’empêcher tout changement légal, qui concéderait au maire de Bordeaux ou au préfet de Lyon la puissance d’arrêter tout changement dans le tarif des douanes, qui reconnaîtrait aux rois de Belgique et d’Espagne le pouvoir de rendre impossible l’établissement d’une nouvelle forteresse ? Nous n’avions pas moins, nous autres Allemands, de trente rois d’Yvetot à qui, sous la protection de l’Autriche, la constitution fédérale assurait ces monstrueux pouvoirs. Oui, jusqu’aux changemens des dernières, années, les rois de Danemark et de Hollande, en leur qualité de souverains du Holstein et du Limbourg, avaient le droits de s’opposer par leur veto à tout progrès national. Il est vrai que, si Prusse et Autriche étaient d’accord sur un point, ces petites cours ou ces cours étrangères n’osaient faire en général aucune opposition ; mais un tel accord, étant donnée la politique de l’Autriche, ne pouvait se réaliser que si la Prusse, abandonnant la cause de la patrie, s’était jointe à l’Autriche. Un Français, pour trouver dans l’histoire de son pays des phénomènes analogues, doit remonter jusqu’en plein XVe siècle. Rappelez-vous Louis XI, et Charles le Téméraire. Supposez que le duc de Bourgogne soit sorti vainqueur de sa lutte contre les Suisses, qu’il ait transmis tous ses états, y