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de la péninsule ; elle l’est déjà redevenue le jour où elle a cru pouvoir achever par les négociations ce qu’elle avait commencé par la guerre, et ce n’est pas elle assurément qui aidera l’Italie à devenir la maîtresse de Trieste et de la mer allemande, à prendre l’Istrie ou même le Trentin, à dépasser en fait cette frontière fédérale qui n’existe plus en droit. Les Italiens, si je ne me trompe, n’en sont plus à savoir le degré de concours qu’ils peuvent espérer de la Prusse dans cette question de délimitation, où ce n’est plus le protocole de 1818 qui fait loi, mais où l’esprit allemand est encore aux côtés de l’Autriche, — ne fût-ce qu’en prévision du jour où, de défaite en défaite, l’empire autrichien tombant en dissolution, laisserait sur les Alpes des titres dont l’Allemagne nouvelle revendiquerait certainement l’héritage.

Après cela, dans cette affaire des frontières qui survit à la guerre, où l’Italie reste seule à soutenir une cause diplomatiquement perdue sans doute, où, en l’absence d’un droit écrit qui n’existe plus, toutes les raisons naturelles d’intérêts, d’affinités, de mœurs, de nationalité, retrouvent leur force, — dans cette affaire on ne peut dire que la situation soit la même sur ces divers points de l’Istrie, de Trieste, du Frioul, du Trentin, dont l’ambition italienne se détache avec tant de peine. La question nationale au-delà des Alpes avait jusqu’ici cela d’heureux, qu’il n’y avait pas même un doute possible sur les diverses provinces qui se sont fondues dans le royaume nouveau. Qui donc aurait pu imaginer et soutenir que Venise ne fût point italienne ? Au-delà, si les caractères principaux d’une nationalité identique persistent encore et s’attestent par des signes éclatans, le mélange commence, les élémens du problème se multiplient et se compliquent singulièrement. Ainsi il est bien clair que la question n’est pas la même dans le Tyrol et dans certaines parties du Frioul ou de l’Istrie, dans tous ces pays en un mot qui ont été jusqu’à ces derniers temps diplomatiquement revêtus du sceau germanique, et que l’Italie revendique aujourd’hui soit au nom du droit de nationalité, soit en invoquant le principe contesté des frontières naturelles. Non, cela n’est pas douteux, la question n’est pas la même, elle n’est pas également claire partout, ou, pour mieux dire, elle n’est pas arrivée partout à une égale maturité. Ce qui est vrai du moins, c’est qu’elle est claire à Trente, dans cette région montagneuse du versant méridional des Alpes qui s’abaisse vers Bergame, Brescia, Vérone, se rattachant à la fois à la Lombardie et à la Vénétie ou les séparant, si elle appartient à un maître étranger. Ici l’Italie ne fait que revendiquer une terre italienne qui s’enfonce comme un coin entre ses provinces toujours menacées, et c’est ce qui explique ce double mouvement des volontaires de Garibaldi du