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disait la cour de Vienne, eu égard aux relations connues de la Lombardie et de l’empire, pût, d’après l’article 1er de l’acte fédéral, introduire cette province dans la confédération germanique, elle ne veut pas cependant donner à cet article une portée qui serait d’ailleurs fondée. Sa majesté désire montrer ainsi à la confédération germanique qu’elle n’a pas l’intention d’étendre au-delà des Alpes la ligne de défense de la confédération. Aussi l’empereur s’en tient-il à l’application la plus limitée de l’article 1er de l’acte fédéral. » Cette application limitée, c’était l’incorporation à l’Allemagne du Frioul ou cercle de Goritz, Gradisca, Tolmino, Aquilea, du littoral de Trieste, de la principauté du Tyrol avec les pays de Trente et de Bressanone, — de telle façon que des provinces italiennes se trouvaient introduites dans la confédération après coup, presque secrètement, puisque le protocole du 6 avril 1818 a été pendant longtemps à peine connu, sans nulle participation de l’Europe, seule compétente cependant pour préciser le sens de l’article des traités de 1815 qui avaient fondé la confédération germanique.

Lorsque plus tard, en 1851, l’Autriche, enhardie par de récens succès et allant plus loin, en est venue à vouloir incorporer à l’Allemagne toutes ses possessions italiennes, la Vénétie et la Lombardie elles-mêmes, elle a trouvé en Europe une certaine résistance. La France notamment, dans un mémorandum aussi substantiel que pressant, s’opposait à cette entreprise excessive, ramenant la confédération à ses limites naturelles, telles que la Prusse elle-même les avait tracées autrefois, limites de langue, de mœurs, de lois, de nationalité. « Étendre arbitrairement ces limites naturelles, disait la diplomatie française, adjoindre aux populations allemandes des populations slaves, hongroises, illyriennes, italiennes, au milieu desquelles elles seraient noyées, ce serait dénaturer la confédération… Cette masse absorbant dans son sein vingt peuples et vingt états différens se présenterait à l’esprit non plus comme une garantie de paix et d’équilibre, mais comme une menace, comme un symbole de confusion et d’envahissement… » Rien n’était plus saisissant et plus vrai ; seulement ce qu’on disait en 1851, au moment où l’Autriche laissait échapper le dernier mot de son système, on aurait pu le dire déjà, dans une certaine mesure, de l’acte de 1818, qui n’était que l’application préliminaire et partielle de la même politique, l’entrée en jeu d’une partie habilement engagée. Cette incorporation de 1818 semblait de peu d’importance au premier abord ; en réalité, l’Autriche espérait ainsi lier indissolublement l’Allemagne à la cause de sa domination au-delà des Alpes. Par tous les passages du Tyrol fédéralisés, elle pesait sur la péninsule de tout le poids de la confédération. Elle était seule, il est vrai, en