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dans la place. Le système de protection actuel, qui dépense sans rien rapporter, qui irrite les populations, est cent fois pire que l’abandon provisoire que nous proposons.

L’empire réduit à ses nouvelles limites, c’est-à-dire formé des onze états du centre, offrirait encore une superficie assez satisfaisante : cinquante-sept mille lieues carrées environ. Le territoire des onze états est celui où la population, quoique peu nombreuse encore, est la plus compacte ; c’est le sol que les altitudes variées qu’il présente rendent le plus propre à tous les genres de culture, depuis la vanille, le café et le sucre jusqu’au blé et aux essences du nord. Il est arrosé de larges fleuves, faciles à rendre à la navigation dès que les travaux publics seront sérieusement entrepris ; il est enfin assis sur les deux mers, et les ports produisent à eux seuls, en temps de paix, 24 millions de francs, le quart des revenus du Mexique.

Ce territoire formerait presque un carré dont la défense deviendrait facile : la première mesure à prendre serait de couvrir d’un rempart de villes fortifiées la frontière regardant les cinq états ouest et nord pour la mettre à l’abri des incursions. Le port de San-Blas, qui est le chemin de la Californie, Tépic, qui commande les terres chaudes, Colima, qui est la porte des hauts plateaux, la Barca, qui domine le magnifique lac de Chapala, Guadalajara, qui garde la vallée du Lerma et qui est arrosée par le Rio-Grande, le premier fleuve du Mexique, Encarnacion, Aguas-Calientes, Fresnillo, Zacatecas, qui barrent les quatre routes du nord, Saltillo et Monterey, qui surveillent le Texas et la frontière américaine, formeraient presque en ligne droite un cordon militaire et douanier que chacune de ces villes surveillerait comme une sentinelle avancée. L’établissement de ces dix villes frontières se donnant mutuellement la main assurerait la sécurité de l’empire, qui, désormais garanti au dehors, pourrait avec ses seules ressources procéder à sa réorganisation intérieure.

Pour retrouver ses forces et les utiliser, que le gouvernement de Mexico se hâte de profiter de la dernière année de présence des soldats français ; il a devant lui le temps de mener à bonne fin les réformes indispensables. L’armée mexicaine est mauvaise. Si la troupe, recrutée surtout parmi les Indiens, est sobre, dure à la fatigue et courageuse, les cadres sont détestables. Il y a sans doute d’honorables exceptions, mais en général les officiers, presque tous mexicains, ont perdu le sentiment de l’honneur militaire. Leur instruction est assez médiocre, faute d’écoles spéciales. Les habitudes de pronunciamento sont invétérées, grâce aux germes de. corruption semés dans leurs rangs par l’ancien président Santa-Anna, le conspirateur